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ÉCONOMIE (Histoire de la pensée économique) Marginalisme

Le marginalisme désigne un moment de rupture – on parle d'ailleurs plus souvent de « révolution marginaliste » – dans l'histoire de la discipline économique, entre 1870 et 1890, où se met en place une pensée alternative à la pensée économique classique. Son point de départ est associé à l'apparition simultanée et indépendante de trois ouvrages : The Theory of Political Economy de l'Anglais William Stanley Jevons paraît en 1871, la même année que les Grundzätze de l'Autrichien Carl Menger, tandis que les Eléments d'économie politique pure du Français Léon Walras paraissent en deux temps entre 1874 et 1877.

Essentiellement fondé sur un raisonnement à la marge (relatif à la dernière unité consommée, produite...), le marginalisme place au cœur de la théorie économique les concepts d'utilité marginale et de productivité marginale. L'aboutissement du marginalisme est la pensée néoclassique, même si les deux termes sont parfois employés comme synonymes.

Un socle conceptuel précurseur

Avant Jevons, Menger et Walras, un grand nombre d'économistes ont eu recours à un raisonnement de type marginaliste. Ces raisonnements étaient soit appliqués à des problèmes précis, soit perçus comme des instruments d'approfondissement des thèses de David Ricardo (1772-1823), sur la valeur et la répartition notamment. En 1838, dans ses Recherches sur les principes mathématiques de la théorie des richesses, Antoine Augustin Cournot, bien connu de Walras, introduit les concepts de recette marginale et de coût marginal.

De même, Johann von Thünen (Der Isolierte Staat in Beziehung auf Landwirtschaft und Nationalökonomie, 1826) généralise le principe de la rente ricardienne en supposant des coûts de transports variables de la périphérie au centre des villes, et il introduit par la suite le principe de la productivité marginale décroissante des facteurs de production (chaque unité supplémentaire de facteur ajoute de moins en moins au produit final).

Les concepts d'utilité et d'utilité marginale sont également antérieurs au courant marginaliste. On les trouve déjà, par exemple, chez Daniel Bernoulli (« Exposition d'une nouvelle théorie de la mesure du risque », 1738) qui explique certains comportements de joueurs, grâce à l'hypothèse d'utilité marginale décroissante des gains (l'utilité supplémentaire apportée par chaque unité monétaire est de plus en plus faible). Mais cette solution reste cantonnée dans l'analyse des jeux de hasard.

Une œuvre de Herman Heinrich Gossen (Entwicklung des Gesetze der Menschlichen Verkehrs, 1853) mérite d'être distinguée. Gossen y introduit deux lois essentielles que les marginalistes retrouveront. La première loi de Gossen est en fait un postulat : la décroissance de l'utilité marginale. Lorsque la quantité d'un bien que l'on possède augmente, cela nous procure toujours plus de satisfaction, mais l'accroissement de satisfaction tend à être de plus en plus faible.

La seconde loi de Gossen établit qu'un individu maximise sa satisfaction quand les dernières unités de chacune de ses consommations, pondérées par leur prix, sont égales. À chaque fois qu'un individu cède une petite quantité de bien x contre une petite quantité de bien y, il se produit un double phénomène. D'une part, le fait de céder du bien x réduit sa satisfaction, et cela de plus en plus vite à mesure que l'échange se poursuit (du fait de l'hypothèse d'utilité marginale décroissante). D'autre part, le fait de recevoir du bien y en échange augmente sa satisfaction, dans une grande proportion d'abord, puis de moins en moins à mesure qu'il approche de la satiété. Globalement, donc, l'échange permet d'abord d'augmenter sa satisfaction, jusqu'au moment où l'utilité sacrifiée dans le dernier échange de [...]

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Écrit par

  • : maître de conférences en sciences économiques à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

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Média

William Stanley Jevons - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

William Stanley Jevons

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  • MARITIMISATION DE L'ÉCONOMIE

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