ÉCONOMIE (Histoire de la pensée économique) Monétarisme
Mot récent – monetarism apparaît pour la première fois en 1968 dans un article de Karl Brunner sur la politique monétaire publié par la Réserve fédérale américaine de Saint Louis –, le monétarisme désigne une idée pourtant ancienne. Cette idée est que toute augmentation de la quantité de monnaie en circulation se traduit par une augmentation du niveau général des prix, c'est-à-dire par de l'inflation. Ou, autrement dit, que la monnaie est un instrument de l'échange qui ne joue aucun rôle dans la dynamique de création de richesse. Ce que les économistes résument en disant qu'il y a neutralité de la monnaie. Une fois ce principe posé, il convient de voir quelle en est la légitimité, quelle en est la validité et quelles en sont les conséquences concrètes pour la politique économique.
L'équation quantitative de la monnaie
La légitimité de cette l'affirmation, selon laquelle l'expansion monétaire mène à l'inflation, repose sur l'équation quantitative de la monnaie, qui peut s'écrire : MV = pT, où M désigne la quantité de monnaie en circulation, ce que les économistes appellent la masse monétaire, V la vitesse de circulation de la monnaie, p le niveau général des prix et T l'ensemble des transactions effectuées. Concrètement, cela revient à faire deux constats. D'abord, chaque dépense donnant lieu au versement d'une certaine quantité de monnaie, le montant global des dépenses est égal à la masse monétaire disponible multipliée par le nombre de fois où elle est utilisée. Ensuite, on dépense pour acquérir des biens et donc le montant total des dépenses est égal à la valeur de ce qui est vendu.
Aux origines de l'économie, cette relation paraît d'autant plus évidente que la monnaie a un contour bien précis : la masse monétaire d'un pays correspond à la quantité physique d'or qui y circule. Le premier économiste à décrire de façon systématique le lien entre les prix et la quantité d'or est Nicolas Oresme (1320-1382) dans son Traité des monnaies de 1355. Au Prince qui prétend réguler l'activité économique en modifiant la quantité de métal contenue dans les pièces, il annonce qu'il n'obtiendra que de l'inflation. En revanche, il lui recommande de mener une véritable politique monétaire : il conseille en cas de déflation de fondre les objets religieux en or pour en faire des pièces, et en cas d'inflation de multiplier la fabrication des bijoux et ornements.
Dans sa Réponse au paradoxe de M de Malestroit en 1578, Jean Bodin (1530-1596) identifie quatre causes de hausse des prix : l'absence de concurrence, la disette agricole, l'insouciance des seigneurs prêts à payer n'importe quel prix mais surtout, cause première et principale, l'augmentation de la quantité de monnaie en circulation. Il appuie son raisonnement sur une formulation primitive de l'équation quantitative et gagne le titre posthume de premier monétariste.
Désignée aujourd'hui sous le nom d'équation de Fischer, un économiste du début du xxe siècle qui la commente abondamment, l'équation quantitative est un résultat comptable incontestable, et à ce titre est admise par tous. Néanmoins, elle nourrit le débat entre ceux qui considèrent qu'une augmentation de la masse monétaire se traduit par une augmentation des prix et ceux qui, en revanche, sont persuadés qu'elle se traduit par une augmentation des transactions et donc des quantités produites. Dans le groupe de ceux qui pensent que ce sont les prix qui bougent, on trouve les tenants du libéralisme économique : c'étaient les classiques comme David Ricardo (1772-1823), ce sont les monétaristes d'aujourd'hui. Dans le groupe qui considère que les prix sont stables et que ce sont les quantités qui s'adaptent, on trouve les interventionnistes[...]
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Écrit par
- Jean-Marc DANIEL : professeur émérite de sciences économiques, ESCP Europe
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