ÉCONOMIE (Histoire de la pensée économique) Néo-institutionnalisme
Un programme de recherche foisonnant
L'importance accordée aux droits de propriété et aux modalités de transfert de ces droits a fait du néo-institutionnalisme un cadre privilégié de l'étude des relations entre droit et économie, sous l'inspiration de Coase, éditeur du Journal of Law and Economics pendant plus de vingt ans.
L'insistance sur l'incomplétude des contrats a aussi attiré l'attention sur la nécessité de prendre en compte la question cruciale des mécanismes de mise en œuvre des contrats (enforcement). Ces mécanismes peuvent être d'ordre privé, par exemple la Law Merchant ou le système des marchands maghrébins au Moyen Âge, ou d'ordre public, impliquant au premier chef l'État. Ce dernier et les régimes politiques le caractérisant ont alimenté beaucoup d'études, faisant du néo-institutionnalisme un courant majeur en sciences politiques. Cet apport s'appuie sur l'extension du concept de transaction aux transactions politiques, permettant des comparaisons particulièrement éclairantes entre systèmes présidentiels, parlementaires, etc.
De même la prise en compte des coûts de transaction renouvelle-t-elle en profondeur l'analyse des problèmes de réglementations et de réforme des organisations publiques ou mixtes, mettant en particulier en exergue les micro-institutions impliquées dans leurs succès ou leurs échecs.
Sous l'influence des travaux de North, l'attention s'est également tournée vers l'étude du rôle des normes et croyances dans l'émergence et la stabilisation des institutions.
Mais, c'est sans doute l'analyse des organisations et des arbitrages entre modes d'organisation qui bénéficie à ce jour des apports empiriques les plus spectaculaires. Le néo-institutionnalisme a joué et continue de jouer un rôle moteur dans la prise en compte par les économistes des divers modes d’organisation gouvernant les relations entre agents dans leurs activités de production et d'échange. Se démarquant de l'approche conventionnelle qui examinait l'entreprise, ou plus exactement les unités de production (plants), à partir de leurs fonctions de production, l'économie néo-institutionnelle a recentré l'analyse sur la dimension contractuelle, et donc relationnelle, des modes d'organisation.
Il en résulte deux conséquences importantes. D'abord, un renouveau de la théorie de la firme, comprise comme modalité de gouvernance des transactions, ce qui permet une jonction avec les approches managériales. Ensuite, des développements spectaculaires dans l'analyse des forces économiques qui poussent à choisir tel arrangement plutôt que tel autre. L' intégration verticale en est le cas emblématique : son explication par les coûts de transaction a donné lieu à des centaines d'études empiriques, principalement économétriques. Cela a d'ailleurs conduit à une remise en cause des approches traditionnelles des processus de fusion-acquisition, et des réglementations qui leur sont appliquées, comme l'a montré Paul Joskow. L'analyse a aussi été étendue aux accords interentreprises et autres arrangements dits « hybrides », la franchise par exemple (Ménard, 2012).
Du point de vue de l'histoire des théories, le paradigme néo-institutionnel est très jeune. Aussi les pistes indiquées ici connaissent-elles d'importants développements. Ceux-ci visent notamment à mieux comprendre la dynamique des organisations, à examiner l'impact des systèmes juridico-politiques sur l'efficacité transactionnelle, et donc sur la croissance, ou encore à s'intéresser davantage aux comportements, par exemple à la confiance comme limite à l'opportunisme contractuel, aux institutions nécessaires pour assurer la crédibilité des engagements, ou encore aux croyances comme facteur de convergence vers un équilibre institutionnel particulier.[...]
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Écrit par
- Claude MÉNARD : professeur de sciences économiques à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
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