ÉCONOMIE INDUSTRIELLE
Les stratégies de préservation et d'extension du pouvoir de marché
Une façon simple d'éviter la concurrence est d'acheter certains de ses concurrents. Ces fusions horizontales ont pour résultat de réduire le nombre d'acteurs et donc le degré de concurrence. Pour cette raison, elles sont soumises à un contrôle par les pouvoirs publics. Il faut remarquer que fusionner pour réduire la concurrence n'a de sens que si la fusion n'ouvre pas une brèche qui permet à un nouveau concurrent d'apparaître. Les fusions horizontales ne posent donc des problèmes sérieux en termes de concurrence que si les barrières à l'entrée sont importantes. En dehors des fusions, les entreprises peuvent adopter diverses stratégies pour étendre leur pouvoir de marché. Ces stratégies peuvent être classées en deux catégories. La première inclut les choix en matière d'innovation, de technologies et de produits. La deuxième inclut des comportements délibérément agressifs visant à dissuader l'entrée sur le marché ou à éliminer les concurrents.
La dynamique de l'innovation
Depuis l'analyse de Joseph Schumpeter du processus d'innovation dans une économie capitaliste, le lien entre la structure de marché et l'innovation industrielle est l'objet d'intenses débats. Schumpeter soutenait notamment que la création de monopoles est un mal nécessaire si l'on veut inciter les entreprises à innover. Il s'agit ici de la justification du système de brevets que nous avons déjà évoqué. Les entreprises ne se lanceront dans la recherche que si elles en espèrent un bénéfice suffisant, sous la forme d'un avantage sur la concurrence. Cet avantage résulte de l'avance technologique ou de la protection conférée par un dépôt de brevet.
Le but des lois sur les brevets est de permettre aux innovateurs de rentabiliser leurs investissements en recherche par une exploitation commerciale des inventions. Le brevet les protège contre l'imitation de la part de concurrents qui pourraient utiliser les résultats des recherches sans subir les coûts de la recherche. De plus, le dépôt d'un brevet s'accompagne de l'obligation de divulguer sur la place publique les détails de l'innovation, ce qui permet de diffuser les résultats et favorise la recherche future. Les inconvénients sont que le brevet confère un pouvoir de marché à son détenteur, et qu'une protection trop large empêche les autres chercheurs de proposer des améliorations ou des variantes. Pour cette raison, le brevet est accordé pour une période limitée et la protection est limitée. La détermination des droits et devoirs du détenteur de brevet relève alors d'un exercice délicat qui doit arbitrer entre la protection des innovateurs, la diffusion des connaissances dans le tissu industriel, et le pouvoir de marché conféré.
Dans tous les cas de figure, l'avantage obtenu en innovant est temporaire, éventuellement détruit par les innovations futures. Le moteur de l'innovation industrielle réside dans la volonté des entrepreneurs de préserver ou d'acquérir un tel avantage. L'industrie est alors soumise à un constant changement, une entreprise innovante acquérant une position dominante qui est ensuite détruite lorsqu'une innovation plus performante est introduite. Ce processus de destruction créatrice, mis en lumière par Schumpeter, est au cœur de la théorie moderne de la croissance.
Dans ce contexte, une des questions est de savoir si les innovations seront introduites sur le marché par les firmes en place ou par des entreprises nouvellement créées. En effet, dans le deuxième cas, l'impact est une baisse de la concentration, soit un accroissement du nombre de firmes en place.
Notons que lorsqu'une entreprise est créée pour exploiter une innovation, le bénéfice est obtenu au détriment de ses concurrents[...]
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Écrit par
- Bruno JULLIEN : directeur de recherche au C.N.R.S.
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