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ÉCONOMIE MONDIALE 1990 : de l'euphorie à la crainte

L'anémie des grandes monnaies

La stabilisation des relations monétaires internationales s'est poursuivie en 1990. Certes, elle a fait montre également de sa fragilité et de ses faiblesses persistantes ; mais, grâce à la concertation entre banques centrales et entre gouvernements des principales puissances monétaires, ces dernières ont pu conserver une relative maîtrise du système, qui ne s'est pas démentie sous l'effet de la crise moyen-orientale et a résisté à la déprime qui s'est ensuivie. Cette maîtrise explique que, pour la première fois sans doute depuis le début des années 1970, les fluctuations des parités se sont prêtées de nouveau, dans une certaine mesure, à une prévision fondée sur l'évolution des taux d'inflation et des balances courantes : c'est dire qu'elles obéissent à des facteurs plus rationnels.

Jusque-là, les mouvements des principales monnaies étaient plus erratiques, souvent paradoxaux, reflétant moins l'état réel des économies respectives que des phénomènes spéculatifs à court terme souvent irrationnels ou auxquels, tout au moins, n'était donnée qu'une explication a posteriori : ainsi des monnaies s'inscrivaient-elles en hausse dans des pays où le taux d'inflation était élevé et le déficit extérieur important, comme les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l'Australie, l'Espagne et la Suède, et inversement (Japon, Allemagne, Belgique, Pays-Bas et Suisse). Le yen est resté la seule exception majeure à ce réalignement des taux de change sur les données fondamentales de l'économie, en connaissant une baisse importante au cours du premier semestre de 1990, malgré l'excédent toujours massif du commerce extérieur nippon et la très bonne tenue des prix.

Ainsi, tandis qu'une meilleure lisibilité se faisait jour dans le panorama des taux de change, certains phénomènes aberrants n'en persistaient pas moins ; ils traduisaient les aléas inhérents à un système de change qui n'en était plus un depuis l'écroulement, en 1971, du dispositif conçu à Bretton Woods à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

C'est ainsi que, après s'être fortement redressée comme le commandait l'excellente santé de l'économie japonaise, la valeur du yen était inférieure de 20 p. 100 à son cours maximal atteint à la fin de 1988. Ce recul était sensible à l'égard de toutes les monnaies, mais plus prononcé encore vis-à-vis du deutsche Mark et des autres monnaies du système monétaire européen ; la Banque du Japon et plusieurs grandes banques centrales ont pourtant multiplié leurs interventions pour soutenir le yen au cours du printemps de 1990, le Japon voyant ainsi ses réserves de devises baisser de près de 20 milliards de dollars au cours du premier semestre (elles avaient déjà diminué de 25 milliards en 1989).

Cet effort des autorités japonaises, et notamment de la banque centrale, ne réussissait pas, toutefois, à dissiper totalement le soupçon des autres puissances industrielles quant à la bonne foi de leur partenaire asiatique, accusé de trouver dans cette manipulation monétaire un moyen d'améliorer sa compétitivité et de renforcer son agressivité commerciale. Le problème prenait une telle importance que, pour la première fois, le fameux Groupe des sept pays dits les plus riches, réuni à Bercy le 15 mars pour la rencontre habituelle de printemps, faisait allusion explicitement dans son communiqué final à la nécessité de stabiliser le cours du yen. De fait, cette prise de position, qui laissa sceptiques les commentateurs du lendemain, ne fut pas sans effet et illustra, une fois de plus, les progrès de la concertation internationale, en réussissant à ramener un peu de calme sur le cours du yen dans les mois suivants. Celui-ci restait toutefois plutôt faible, ce qui laissait planer un doute sur les arrière-pensées des[...]

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Écrit par

  • : directeur de cabinet du président du Conseil économique et social.

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