- 1. Une situation plutôt favorable
- 2. La nouvelle crise pétrolière
- 3. L'anémie des grandes monnaies
- 4. Commerce international : le dernier round de l'Uruguay ?
- 5. Le risque d'un Pearl Harbour industriel
- 6. Matières premières : l'atonie persistante
- 7. Tiers Monde : la rechute pour cause de pétrole ?
- 8. Le triomphe modeste du moins mauvais des mondes
ÉCONOMIE MONDIALE 1990 : de l'euphorie à la crainte
Le risque d'un Pearl Harbour industriel
Trouvant au Royaume-Uni une tête de pont particulièrement commode, l'industrie nippone y consolidait sa position en se rendant maîtresse de l'informatique britannique par l'achat d'I.C.L. Le thatchérisme concluait ainsi sa dixième année de règne sans partage par l'abandon quasi total à l'étranger des fleurons de l'industrie d'outre-Manche, montrant moins de réticence encore lorsque les acquéreurs étaient japonais ou américains, comme Fujitsu et Mitsubishi, ou A.T.T. et Motorola, que lorsqu'ils étaient européens, comme Thomson ou Siemens.
Il se confirmait par là que la véritable guerre que se livrent Américains et Japonais dans le domaine de l'électronique devait se jouer sur le continent européen. Jusqu'à la fin des années 1980, les Japonais avançaient cachés (par le biais d'accords de technologie et de la vente de gros ordinateurs). Ils ne craignent plus à présent de s'affirmer à visage découvert, implantant leurs usines et achetant des pans entiers des industries occidentales.
Les difficultés financières importantes annoncées en 1990 par le puissant groupe néerlando-européen Philips ont résonné, à cet égard, comme un coup de tonnerre dans un ciel qui n'était d'ailleurs plus très serein pour ceux qui savaient l'observer avec attention et objectivité. Les polémiques et les atermoiements suscités par la télévision à haute définition (T.V.H.D.) avaient déjà donné le ton depuis plusieurs mois : alors que l'Europe se montrait incapable de rassembler ses forces et ses compétences pour réaliser ce projet de télévision du futur, à haut potentiel commercial, mais aussi à implications majeures en matière de défense, le Japon et les États-Unis engageaient sans retard d'énormes moyens dans leurs projets respectifs. De son côté, un Royaume-Uni largement nipponisé dans son industrie automobile et dans son informatique posait de délicats problèmes à la C.E.E., en permettant aux Japonais de contourner les protections communautaires et de pénétrer la recherche européenne la plus avancée dans le cadre des programmes Esprit et Eurêka, lesquels constituent la seule politique industrielle de Bruxelles, qui, pour le reste, ne connaît d'autre doctrine que le libéralisme généralisé et l'ouverture systématique des frontières. On a vu ainsi poindre l'une des menaces les plus graves pour l'union européenne, et qui pourrait à terme la condamner. Curieuse conception de l'indépendance nationale que celle qui consiste à préférer l'abandon de pans entiers du patrimoine national entre les mains d'intérêts extra-européens à la mise en œuvre de synergies entre pays voisins. Certains gouvernants européens s'y résigneraient aisément, semble-t-il, et verraient assez bien un Yalta de l'informatique européenne, suivi d'un Yalta de l'industrie européenne dans son ensemble.
Comme l'a indiqué le Premier ministre français, Michel Rocard, lors de sa visite au Japon en juillet 1990, l'Europe ne rejette pas les investisseurs ni les produits japonais, elle les accueille dans le cadre d'une réciprocité qui est encore loin d'être respectée du côté nippon. Cette conception, activement défendue par la France, a commencé à rencontrer un écho favorable dans les milieux bruxellois réveillés par la brutalité de certains raids japonais. L'Europe subira-t-elle un Pearl Harbour commercial ? Il ne tient qu'à elle de l'éviter, et plus particulièrement à ses industriels auxquels ne peuvent se substituer sans cesse pouvoirs publics nationaux et autorités communautaires. C'est le point de vue qu'exprimait clairement, en août 1990, Filippo Maria Pandolfi, vice-président de la Commission responsable de la recherche, lorsqu'il affirmait notamment : « Il y a des restructurations, des rationalisations à opérer, des[...]
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Écrit par
- Régis PARANQUE : directeur de cabinet du président du Conseil économique et social.
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