- 1. Une situation plutôt favorable
- 2. La nouvelle crise pétrolière
- 3. L'anémie des grandes monnaies
- 4. Commerce international : le dernier round de l'Uruguay ?
- 5. Le risque d'un Pearl Harbour industriel
- 6. Matières premières : l'atonie persistante
- 7. Tiers Monde : la rechute pour cause de pétrole ?
- 8. Le triomphe modeste du moins mauvais des mondes
ÉCONOMIE MONDIALE 1990 : de l'euphorie à la crainte
Le triomphe modeste du moins mauvais des mondes
Année bouleversée par le coup de force de Saddam Hussein, 1990 a montré que la fin du marxisme et le retour entrevu de l'U.R.S.S. dans le camp occidental ne suffisaient pas à garantir la paix et la tranquillité. On avait un peu trop vite parlé de la fin de l'histoire et de la mort des idéologies, oubliant que les peuples, surtout lorsqu'ils sont pauvres, ont besoin d'idéologie : faute de mieux, le fanatisme religieux ou l'aventurisme politique sont toujours prêts à renaître et à occuper le vide de la pensée pour entraîner les peuples.
Le pragmatisme, la tolérance et l'humanisme, en revient-on à penser en 1990, ont du mal à être reconnus comme les seules vraies valeurs de toute civilisation : ils n'offrent pas le confort d'un système et exigent de l'individu responsabilité et remise en cause permanente. L'attrait des systèmes, si justement dénoncé au début du xxe siècle par le philosophe Alain, n'a sans doute pas fini d'exercer ses ravages. En témoignent la difficulté qu'éprouvent les meilleurs esprits à retrouver leurs marques entre capitalisme et socialisme et la gêne qu'ils ont à débattre d'une « troisième voie ». Oubliant trop souvent que Marx avait conclu son œuvre en affirmant : « Je ne suis par marxiste », les uns se jettent dans le capitalisme et le culte du marché avec le même esprit de système que celui qu'ils avaient mis à défendre leurs précédentes idoles ; d'autres ne veulent ou ne peuvent pas comprendre que, pour survivre, le capitalisme a besoin de mouvement et de remise en cause.
C'est d'une trop rare modestie que fait preuve l'économiste américain Herbert Stein, qui, ancien conseiller des présidents conservateurs Nixon et Reagan, souligne, au printemps de 1990 (« The Triumph of the adaptative society », in The American Economist), que le New Deal de Roosevelt, tant décrié à l'époque par la droite américaine, a profondément transformé le capitalisme américain. Il montre que Richard Nixon a, en fait, continué d'agir dans la même voie, bien que se réclamant d'une pensée politique adverse, et que « l'essentiel de ce qu'il est advenu de l'économie américaine dans les années Kennedy, Johnson, Nixon subsiste » ; si le capitalisme a triomphé, ajoute-t-il, « c'est un capitalisme qui a autant été transformé dans ces années-là que dans les années Roosevelt ». Ce qui l'a donc emporté, selon Herbert Stein, c'est « le monde industriel non communiste, de Singapour à la Suède, avec son extrême diversité » : des dépenses gouvernementales qui atteignent 60 p. 100 du P.N.B. en Suède, contre 17 p. 100 au Japon ; des transferts sociaux proches de 30 p. 100 aux Pays-Bas, et inférieurs de moitié aux États-Unis ; un niveau de contrôle de l'économie beaucoup plus élevé en fait au Japon que dans la plupart des autres pays capitalistes. Ce qui l'a donc emporté, commente l'économiste français Michel Beaud dans le prolongement de la pensée d'Herbert Stein (« Le Moins Mauvais des Mondes ? », in Le Monde du 21 août 1990), « c'est un ensemble complexe de libre entreprise, d'économie de bien-être social, de gestion de la stabilité et de réglementation, le tout dans une atmosphère irremplaçable de liberté ». Mais les libéraux purs et durs répugneront toujours à admettre qu'il s'agit là d'un capitalisme largement mâtiné d'interventionnisme et de social-démocratie, autrement dit, fortement pragmatique.
Ce qui a perdu les économies collectivistes, c'est principalement leur rigidité, leur incapacité à évoluer, à intégrer toute mutation. On est loin des doctrinaires de l'un ou de l'autre des deux systèmes, fussent-ils qualifiés de « nouveaux ». Comme l'indique l'ancien conseiller[...]
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Écrit par
- Régis PARANQUE : directeur de cabinet du président du Conseil économique et social.
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