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ÉCONOMIE MONDIALE 1991 : une économie convalescente

Le syndrome de la pénurie d'épargne

« Leaders » de l'expansion dans les années 1980 et principales victimes de la récession de 1990-1991, les États-Unis et le Royaume-Uni auraient normalement dû mener la reprise, sous l'effet de la désinflation, vers la fin de 1991. Malgré des signes avant-coureurs encourageants outre-Atlantique à partir de juillet, une franche reprise se faisait toujours attendre à la fin de l'année. Mêmes hésitations de l'autre côté de la Manche. Cela invalidait-il la thèse d'une relation entre l'évolution des prix et la croissance ?

Pour répondre à cette question, il faut tenir compte des conséquences financières des neuf années de boom dans ces pays : la désépargne, plus forte qu'ailleurs, a entraîné un endettement particulièrement élevé qui freine à son tour les dépenses de consommation. La déréglementation financière de la précédente décennie, plus poussée dans les pays anglo-saxons qu'ailleurs, a elle aussi favorisé l'endettement.

Aux États-Unis, ce phénomène a entraîné une gestion laxiste des institutions financières, et principalement des établissements d'épargne (savings and loans). Lorsque, pour juguler l'inflation, la politique monétaire est devenue plus stricte, la situation a dégénéré en un état de crise dont les conséquences ont pesé sur les velléités de redressement de la conjoncture.

L'économie mondiale est-elle, en 1991, réellement menacée de pénurie financière ? La crainte repose sur l'impossibilité, pour les pays déficitaires en capitaux, de compter sur certains grands « fournisseurs » traditionnels : l'Allemagne mobilise ses ressources en faveur des nouveaux Länder, le Japon finance un ambitieux programme d'infrastructures nationales, l'Arabie Saoudite et le Koweït sont devenus emprunteurs.

Ce débat rappelle toutefois, à certains égards, la campagne menée au début des années 1970 (peu après l'abandon du gold exchange standard) par les États-Unis et le Royaume-Uni qui dénonçaient le risque d'une « pénurie de liquidités ». Le F.M.I. procéda alors, sous leur influence, à des émissions massives de droits de tirage spéciaux (D.T.S.), signes monétaires créés ex nihilo, et le monde connut par la suite, sous l'empire de la facilité, une période d'inflation sans précédent.

Il existe une corrélation historique, sur le plan national, entre le taux d'épargne et l'investissement. Les tenants de l'économie néo-classique nient l'influence de ce taux sur la croissance à long terme, qui serait essentiellement liée à l'innovation technologique. En 1991, les préoccupations des autorités ne se situaient pas à un tel niveau. Le rapport annuel de la Banque des règlements internationaux ( B.R.I.) notait, au début de juin, que la baisse persistante du taux d'épargne s'était traduite, dans les grands pays industrialisés, par une hausse des taux d'intérêt réels à long terme : inférieurs à 1 p 100 dans les années 1970, ces taux atteignaient environ 4 p. 100 dans les années 1980, et 5 p. 100 en 1990. Mais la B.R.I. ne prévoyait pas de réel déficit dans le court terme, tout au moins pas avant la mise en place de réformes économiques significatives dans les pays de l'Est et la réalisation de nouveaux progrès dans l'apurement des dettes du Tiers Monde.

Entrevoyant des difficultés à moyen terme, la B.R.I. suggérait l'élimination des dispositions, notamment fiscales, décourageantes pour l'épargne privée. Le rapport estimait cependant que le problème concernait surtout l'épargne publique : sa contraction au cours des deux précédentes décennies a compté pour 3,25 points dans la baisse de 3,5 p. 100 de l'épargne nationale nette des pays industrialisés.

Encourager l'épargne privée suppose, on l'a vu, une[...]

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