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ÉCONOMIE MONDIALE 1993 : une nouvelle année de purgatoire

Le fléau du chômage

L'effet négatif de la lutte contre l'inflation sur l'activité économique a été calculé par Lawrence Ball, un économiste de Princeton, à partir des données macro-économiques relatives aux principaux pays industrialisés pour les périodes de désinflation survenues depuis 1960. Dans un article publié à l'automne de 1993, il s'est efforcé de démontrer que l'impact variait, selon les pays, en fonction de la durée de la période d'ajustement et de l'agencement des conventions salariales. Pour les neuf pays considérés, il a calculé un « ratio de sacrifice » exprimant la perte de production potentielle par rapport à la baisse de l'inflation tendancielle. Au cours de la période étudiée, ce ratio s'est établi à 1,4, ce qui signifie que l'abaissement de 1 point du taux d'inflation leur a coûté, dans leur ensemble, 1,4 point de croissance. A contrario, on pouvait estimer que la désinflation à laquelle étaient parvenus les pays industrialisés à la fin de 1993 les affranchirait d'un obstacle vers la réalisation de la croissance potentielle.

La montée du chômage a été dénoncée comme le problème économique numéro 1 au sommet des sept grandes puissances industrielles (G7), les 8 et 9 juillet 1993 à Tōkyō, et à l'assemblée annuelle du F.M.I. et de la Banque mondiale, à la fin de septembre à Washington. Le fléau, estimait-on, devait affecter 35 millions de personnes dans les pays industrialisés en 1994. Les recommandations faites par ces instances étaient d'ordre général : accroître l'efficacité du marché du travail, améliorer l'éducation et la formation, encourager l'épargne et l'investissement, préserver le système commercial multilatéral, tenir compte du vieillissement de la population, perfectionner les marchés financiers.

La problématique cernée par le rapport intérimaire sur l'emploi publié le 20 juillet par l'O.C.D.E. était plus étroitement ciblée. Selon ce document, les pays membres de l'Organisation ne pourront échapper à la fatalité du chômage que par une stratégie globale de valorisation des ressources humaines, formant un « cercle vertueux » avec l'amélioration des performances économiques. Suivant en cela l'exemple donné par le Japon depuis plus de deux décennies, les puissances occidentales devraient accroître leurs avantages comparatifs en se spécialisant, plus que par le passé, dans les productions à haute valeur ajoutée. Il faut, estiment les auteurs, « faciliter la réorientation des structures de production entreprise dans les pays de l'O.C.D.E. qui se détournent des emplois peu qualifiés à bas salaires au profit d'emplois très qualifiés et à salaires élevés ». Cela suppose un effort accru dans le domaine de l'éducation, de la formation et de la recherche-développement. Des pays comme Taïwan ou Singapour n'avaient pas attendu les conseils des experts du château de la Muette pour «  délocaliser », depuis plusieurs années, leurs productions à haut contenu de main-d'œuvre vers d'autres pays où les salaires sont nettement moins élevés. Mais ce qui est relativement facile pour des nations qui bénéficient de transferts technologiques l'est beaucoup moins pour celles qui figurent dans le peloton de tête de l'innovation, dont les coûts s'accroissent de façon exponentielle.

La logique tracée par l'étude de l'O.C.D.E. conduisait à la condamnation du protectionnisme : il faut permettre à la concurrence d'éliminer les producteurs les moins efficaces, et les autres finiront par imposer leurs normes d'excellence. Il faut aussi permettre aux pays en développement d'exporter des produits pour lesquels le facteur de la main-d'œuvre constitue un atout dont ne disposent pas les pays riches.

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