ÉCONOMIE MONDIALE 1993 : une nouvelle année de purgatoire
Le cycle de l'Uruguay
Cette logique était implicite dans les objectifs du cycle de l'Uruguay, une négociation lancée en septembre 1986 à Punta del Este et qui a fini par aboutir le 15 décembre 1993 à Genève, siège du G.A.T.T. Après de multiples rebondissements et une âpre confrontation finale entre les États-Unis et la Communauté européenne, la conclusion des négociations a permis de renforcer le système des échanges internationaux dans un cadre multilatéral, alors que le commerce mondial tendait à s'organiser dans le cadre de groupements régionaux. La Communauté des Douze, en effet, s'est ouverte commercialement aux pays de l'Association européenne de libre-échange (A.E.L.E.) dans le cadre de l'Espace économique européen (E.E.E.), ratifié le 13 décembre 1993. Les États-Unis, le Mexique et le Canada ont ratifié l'Accord de libre-échange nord-américain, et un premier jalon en direction du libre commerce a été posé par quinze pays riverains du Pacifique dans le cadre de l'A.P.E.C. (Asia Pacific Economic Cooperation).
Le caractère multilatéral du système d'échanges commerciaux est renforcé par la création d'une Organisation multilatérale du commerce (O.M.C.), dotée d'un statut comparable à celui du F.M.I. et de la Banque mondiale, les institutions fondées à Bretton Woods en 1944. À l'époque, les États-Unis, pour préserver les prérogatives du Congrès en ce domaine, avaient préféré placer le commerce international sous l'égide d'un forum associatif, le G.A.T.T., dont les décisions n'ont pas de caractère contraignant pour les parties contractantes. L'accord du 15 décembre ne permet l'exercice de rétorsions unilatérales, telles qu'en prévoit la section 301 de la loi commerciale américaine, que si les procédures internationales se révèlent inopérantes.
L'accord de l'Uruguay Round a comporté une partie « classique », amplifiant les mesures de désarmement tarifaire et non tarifaire adoptées, à partir de 1947, à la faveur des sept précédents cycles. Celui qui s'est achevé en 1993 aura été de loin le plus complexe et le plus ambitieux. Les vingt-huit accords dont il est composé élargissent la réglementation des échanges aux domaines de l'agriculture, des textiles, des services, de la propriété intellectuelle et des investissements à l'étranger. Le volet agricole a été le plus difficile à négocier, au point de faire craindre un échec de toute l'affaire, qui avait été conçue sur la base du tout ou rien. La phase finale a été dramatisée par l'adoption d'une date butoir, le 15 décembre, correspondant au délai nécessaire au Congrès des États-Unis pour ratifier l'accord au plus tard le 16 avril 1994. C'est à cette première date qu'expirait la loi dite du fast track adoptée à Washington au début de juillet, prévoyant un vote de l'accord commercial en bloc, sans possibilité d'amendements.
Une avancée dans les discussions fut enregistrée le 7 juillet, à la veille du sommet de Tōkyō : les représentants des Douze, des États-Unis, du Canada et du Japon, réunis dans le cadre de la « Quadrilatérale », sont alors convenus d'éliminer les taxes douanières et les barrières non tarifaires à l'importation d'un certain nombre de catégories de produits, relançant ainsi la dynamique de la négociation. En revanche, le « préaccord » sur le dossier agricole, dit de Blair House – du nom de la demeure de Washington où il a été conclu, le 20 novembre 1992, entre les négociateurs américains et européens –, a eu le résultat inverse. Le gouvernement français, sous la pression des agriculteurs nationaux, s'est opposé en particulier à l'obligation de réduire de 20 p. 100 les exportations agricoles subventionnées. Ce différend a mis à rude épreuve la solidarité franco- allemande, car les ministres libéraux de[...]
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Écrit par
- Tristan DOELNITZ : journaliste économique et financier
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