ÉCONOMIE MONDIALE 1998 : fin d'un cycle, début d'une nouvelle ère
L'économie mondiale est entrée en 1998 dans une zone de haute instabilité, lourde de menaces tant pour la poursuite de la croissance dans les pays occidentaux que pour l'avenir du processus de globalisation de l'économie. L'opposition conjoncturelle entre la récession profonde dans laquelle s'enfoncent le Japon et une partie de l'Asie en développement, d'une part, et la bonne santé apparente des économies européennes et américaine, d'autre part, masque mal en effet la puissance déstabilisatrice de l'onde dépressive qui s'est propagée tout au long de l'année depuis le Sud-Est asiatique vers l'Amérique latine en passant par la Russie, avant de faire sentir ses premiers effets en Europe.
La dimension systémique du phénomène de contagion financière n'a été que tardivement appréhendée par les dirigeants des grands pays industrialisés. L'idée que la conjoncture occidentale, portée par le dynamisme de la consommation aux États-Unis et la perspective de l'union monétaire en Europe, pouvait rester imperméable aux effets de la crise asiatique, devenue entre temps crise financière internationale, a continué de prévaloir un temps, en dépit du savoir accumulé sur l'intensité du processus d'intégration économique mondiale. Ce n'est qu'à l'automne qu'une stratégie anticrise devait prendre forme aux États-Unis, et susciter un certain écho au Japon, puis en Europe.
Si elle marque la fin d'un cycle financier, la crise des économies émergentes n'en coïncide pas moins avec l'avènement d'une nouvelle ère monétaire, dont témoigne la création en juin de la Banque centrale européenne, la délimitation de l'Euroland et la décision historique prise en décembre par les onze banques centrales des pays constituant cette zone de baisser simultanément leurs taux d'intérêt un mois avant le passage à la monnaie unique.
La fin d'un cycle financier
Initialement locale, la crise ouverte par la dévaluation du bath thaïlandais en juillet 1997 s'était diffusée en fin d'année à la majeure partie des économies dynamiques d'Extrême-Orient (Chine et Taiwan exclues) avant de se propager en 1998 aux autres économies émergentes. Au niveau régional d'abord, la crise qui a déstabilisé la Thaïlande, l'Indonésie, Hong Kong, la Corée du Sud, la Malaisie et, dans une moindre mesure, les Philippines et Singapour peut être décrite comme une crise d'engorgement financier. Depuis le début de la décennie, ces pays bénéficiaient d'un afflux de capitaux hors de proportion avec leurs capacités d'absorption. L'attrait des marchés financiers locaux pour les investisseurs étrangers résultait à la fois du vaste mouvement de libéralisation financière encouragé par les institutions internationales (F.M.I. et Banque mondiale) et du dynamisme économique extraordinaire de la région dans son ensemble. L'atonie de la croissance en Europe pendant la majeure partie de la décennie et la récession japonaise libéraient par ailleurs une épargne considérable que les fonds de placements internationaux canalisèrent massivement vers ces nouveaux paradis financiers. De 1990 à 1996, pas moins de 500 milliards de dollars en termes nets furent ainsi prêtés, placés ou investis dans les pays d'Extrême-Orient (Chine incluse).
La rentabilité de ces placements et investissements était logiquement conditionnée par la stabilité des taux de change des pays de la région vis-à-vis du dollar américain. Celle-ci ne pouvait toutefois être assurée que tant que les déficits des balances courantes étaient maintenus dans des limites raisonnables et que la compétitivité des économies locales était préservée. Ces deux conditions, étroitement interdépendantes, ont cessé d'être respectées dans un certain nombre de pays à partir du[...]
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Écrit par
- Jacques ADDA : maître assistant à l'université Bar-Ilan (Israël), département de sciences politiques et relations internationales
Classification
Média