ÉCONOMIE MONDIALE 1998 : fin d'un cycle, début d'une nouvelle ère
La réponse américaine à la crise
Si certains doutes pouvaient subsister concernant le caractère systémique de la crise des marchés émergents, l'assèchement des marchés financiers mondiaux en septembre 1998 devait les balayer. Fort logiquement, la réaction devait venir du conseil de la banque d'émission de la monnaie internationale, la Réserve fédérale américaine (Fed).
À trois reprises en moins de deux mois, la Fed décidait d'abaisser son taux d'intervention d'un quart de point, donnant à la politique monétaire une orientation a priori peu orthodoxe au regard des données immédiates de la conjoncture américaine. À l'automne de 1998 en effet, le taux de chômage était aux États-Unis à son plus bas niveau depuis la fin des années 1960 (4,4 p. 100), l'expansion se poursuivait sur un rythme rapide et le déficit courant ne cessait de se creuser. L'attitude de la Fed était cependant dictée par la situation des marchés de capitaux et la dégradation des bilans des intermédiaires financiers. La crise des économies émergentes en effet a fortement pesé sur les bilans des banques et autres institutions financières. Compte tenu de l'ampleur des créances douteuses, celles-ci répugnent à accroître leur exposition au risque. Le credit crunch, situation expérimentée au début des années 1990 dans laquelle les intermédiaires financiers ne peuvent pas ou ne veulent pas prêter, menaçait à nouveau. La baisse des taux d'intérêt à court terme permettait de parer à ce risque en évitant que l'ajustement sur les marchés financiers se fasse par une remontée générale des taux longs. Simultanément, elle entraînait une baisse du dollar qui donnait un ballon d'oxygène aux entreprises américaines face à la compétition asiatique. Elle soulageait enfin la situation des économies émergentes dont les dettes sont libellées en dollars. Pour que les choses soient bien claires, la Fed organisait fin septembre le sauvetage de L.T.C.M., le fameux hedge fund comptant dans sa direction les deux Prix Nobel d'économie de 1997, dont l'exposition au risque était estimée à plus de 100 milliards de dollars, investis un peu partout dans le monde.
La confiance ne pouvait toutefois être restaurée sur les marchés financiers que si la vague de panique déclenchée par le moratoire russe était enrayée. L'action de la Fed était relayée sur ce point par l'intervention du Trésor américain en vue de stopper l'hémorragie financière dont était désormais victime le Brésil. Cela supposait de renflouer les caisses du F.M.I., vidées par les interventions successives en Thaïlande, Corée du Sud, Indonésie et Russie. Début octobre, le Congrès américain, après une longue obstruction, votait la participation américaine (18 milliards de dollars) à l'augmentation des ressources du Fonds (90 milliards en tout) décidée un an plus tôt en septembre 1997. Début novembre, les pays du G7 décidaient de doter le F.M.I. d'une nouvelle facilité financière destinée aux pays exposés à un risque de contagion financière internationale et poursuivant des plans d'ajustement sous la conduite du Fonds. Le 14 novembre, un accord était signé avec le Brésil par lequel le F.M.I., la Banque mondiale, les États-Unis et d'autres pays mettaient à la disposition de Brasilia 42 milliards de dollars. La diffusion de la crise financière était enrayée, tandis que le gouvernement brésilien s'engageait à réduire d'un tiers un déficit public estimé à 64 milliards de dollars.
Les États-Unis s'employaient enfin à convaincre les autres membres du G7 de contribuer au rétablissement de la confiance par des mesures appropriées : plan de sauvetage des banques et relance budgétaire au Japon, baisse des taux d'intérêt en Europe. Menaçant aux États-Unis, le credit crunch est depuis plusieurs[...]
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Écrit par
- Jacques ADDA : maître assistant à l'université Bar-Ilan (Israël), département de sciences politiques et relations internationales
Classification
Média