ÉCONOMIE MONDIALE 2001 : état de choc
...s'est rapidement propagée à l'Europe...
De l'autre côté de l'Atlantique, la mise en œuvre de l'union monétaire avait suscité l'espoir d'une plus grande autonomie de la zone euro face aux fluctuations de l'activité mondiale. Cet espoir a été déçu. Loin de prendre le relais d'une économie américaine en bout de course, l'économie européenne a été déstabilisée par l'éclatement de la bulle technologique après mars 2000 et par la brusque décélération de la demande mondiale en 2001. Si le creux de l'activité semblait avoir été atteint à l'été, les attentats du 11 septembre ont provoqué une rechute des indicateurs de confiance qu'une politique économique encore hésitante ne semblait pas en mesure de pallier.
L'idée d'une relative autonomie de la croissance européenne reposait essentiellement sur le faible degré d'extraversion commerciale de la zone euro (le rapport des échanges extérieurs au P.I.B. de la zone ne dépasse pas 12 p. 100) qui pouvait être mis à profit dès lors que les politiques monétaires n'étaient plus exposées aux soubresauts du dollar. L'ampleur du ralentissement de la demande mondiale ne pouvait manquer toutefois d'exercer un frein puissant sur l'activité. Selon les calculs de l'O.F.C.E. (2001b), le taux de croissance de la demande extérieure adressée aux pays de la zone euro est tombé à 2 p. 100 en 2001 au lieu de 12 p. 100 en 2000. À lui seul, cet effet expliquerait mécaniquement plus de la moitié du ralentissement de l'activité de la zone en 2001. L'impact des liaisons financières et productives entre l'Europe et les États-Unis s'est par ailleurs révélé beaucoup plus prononcé que ne l'estimaient les cadres d'analyse traditionnels. L'effondrement du Nasdaq à partir de mars 2000 a été fortement ressenti par les Bourses européennes, qui ont perdu en moyenne près du quart de leur valeur en 2001, contre 10 p. 100 seulement pour le Dow Jones aux États-Unis. Après avoir massivement investi aux États-Unis en 1999 et 2000, les entreprises européennes sont devenues plus vulnérables aux fluctuations de l'activité aux États-Unis, tandis que leurs marges de manœuvre sont limitées par un endettement considérable. Symétriquement, l'activité des filiales américaines en Europe, dont les ventes représentent 9 p. 100 du P.I.B. de la zone euro (The Economist, 2001c), est pénalisée par la dégradation de la situation de leurs maisons mères outre-Atlantique.
Si l'Europe se révèle fortement vulnérable au cycle financier américain, sa capacité de rebond est en outre nettement handicapée par les contraintes nouvelles que l'intégration monétaire impose à sa politique économique. Prisonnière d'une conception étroite de sa mission, limitée à la défense d'un plafond d'inflation de 2 p. 100, la Banque centrale européenne (B.C.E.) a réagi tardivement et timidement au retournement de l'activité. À la veille du 11 septembre, elle n'avait baissé son taux directeur que deux fois seulement en huit mois, à la hauteur d'un demi-point au total (contre trois points dans le cas de la Fed), en dépit de la stagnation de l'activité à partir du deuxième trimestre de 2001 et de la décélération marquée des prix. La BCE infléchissait toutefois sensiblement sa politique après les attentats, et baissait à deux reprises son taux directeur d'un demi-point en septembre et en novembre. Dans le domaine budgétaire, les engagements pris dans le cadre du pacte de stabilité imposent aux politiques nationales une orientation restrictive peu adaptée à la phase descendante du cycle économique. En octobre 2001, le sommet européen de Gand prenait acte du caractère irréaliste de ces engagements et décidait de laisser jouer les stabilisateurs automatiques, autorisant ainsi les gouvernements à ne pas compenser l'aggravation conjoncturelle[...]
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Écrit par
- Jacques ADDA : maître assistant à l'université Bar-Ilan (Israël), département de sciences politiques et relations internationales
Classification
Média