- 1. Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) : des situations très contrastées
- 2. Japon : « stagdéflation » et faible chômage
- 3. États-Unis : plein emploi, inflation faible et doutes protectionnistes
- 4. Europe : reprise lente, fragilité financière et forces centrifuges
- 5. Pays du Sud : une aggravation générale
ÉCONOMIE MONDIALE 2016 : dynamisme asiatique et replis nationaux
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L’année 2016 est marquée, sur le plan économique, par une tendance de plusieurs pays au repli sur eux-mêmes. La comparaison entre la croissance de la production mondiale et la croissance du commerce mondial est lourde de signification. En 2014, le commerce mondial progressait de 3,9 p. 100, donc plus rapidement que la production (3,4 p. 100), mais en 2015 et en 2016 la tendance s’est inversée : le taux de croissance de la production est de 3,2 p. 100, puis de 3,1 p. 100, tandis que le commerce mondial ne progresse que de 2,6 p. 100, puis de 2,3 p. 100. La croissance est donc tirée davantage par les demandes domestiques de l’ensemble des pays que par les demandes étrangères : le degré moyen d’ouverture des économies (ratio entre flux commerciaux et PIB) se réduit nettement alors que l’évolution tendancielle depuis plus de vingt ans était à la hausse.
Ce repli des économies nationales sur elles-mêmes entre en résonance avec les grands événements de l’année 2016, dont les conséquences probables ne se sont pourtant pas encore entièrement manifestées. Les migrations deviennent une question centrale, dont s’emparent tous les courants populistes. À la pression des migrations économiques s’ajoute celle des migrations politiques ; ces dernières s’amplifient à la suite de la déstabilisation croissante du Moyen-Orient et de la situation difficile de certains pays africains. Les frontières et la liberté de circulation des hommes sont au cœur des débats politiques. Qu’il s’agisse du vote pour le Brexit en juin ou de l’élection de Donald Trump en novembre, la question des migrations a joué un rôle déterminant dans la campagne électorale et dans l’issue du scrutin ; mais dans les deux cas, ce sont les échanges dans leur globalité qui devraient être touchés : protectionnisme commercial américain et régression des flux commerciaux et financiers entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.
Les espoirs d’une confluence des politiques des plus grands États de la planète pour limiter le réchauffement climatique, suscités par la COP 21, sont également remis en question par le changement d’administration aux États-Unis. À l’issue de la COP 22, qui s’est tenue à Marrakech en novembre, l’incertitude gagne de nouveau les milieux économiques quant aux investissements à mettre en œuvre pour favoriser la transition énergétique.
Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) : des situations très contrastées
Bien que le concept même de BRICS tende à perdre de sa signification économique, tant la situation et le poids de ces pays diffèrent, un sommet annuel continue de les réunir, leur permettant d’afficher leur volonté d’exister face aux deux grands ensembles économiques que sont les États-Unis et l’Europe.
En 2016, à Goa, les BRICS annoncent vouloir créer une agence de notation dans le but de consolider l’architecture financière mondiale et de contrebalancer le poids des agences américaines. En 2015, ils fondent la Nouvelle Banque de développement (NBD), qu’ils présentent comme une alternative aux grandes institutions mondiales du même type. Mais elle pourrait pâtir, dès sa naissance, de la concurrence de la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (Asian Infrastructure Investment Bank, AIIB) créée en 2014 à l’instigation de la Chine.
Chine : croissance rapide et fragilités multiples
La crise financière chinoise de mi-2015 semblait profonde et inquiétante : la baisse de 30 p. 100 des cours boursiers, même si elle intervenait après des hausses bien plus importantes, apparaissait comme l’expression de la fragilité d’un système financier immature mettant en péril une masse de petits porteurs (donc de consommateurs). Un an après, on constate que les effets tant redoutés de cette crise financière ne se sont pas produits. La croissance, certes, ralentit, mais reste à un niveau très élevé, passant de 6,9 p. 100 en 2015 à 6,5 p. 100 en 2016. Cette dynamique, associée à un glissement de l’activité de l’industrie vers les services, est due, pour une part non négligeable, au soutien de l’État et à la croissance du crédit. Toutefois, le yuan reste faible : alors que le dollar valait plus de 8,5 yuans en moyenne en 2012-2014, il oscille entre 7 et 7,5 yuans en 2016, ce qui ne peut qu’attiser les tensions commerciales, même si certains économistes prétendent que le yuan est surévalué.
Les déséquilibres de l’économie chinoise perdurent. Le couple surendettement-surcapacités de la deuxième économie mondiale fait peser de lourdes menaces. L’endettement des agents économiques chinois (entreprises, ménages, collectivités publiques), encouragé par les politiques monétaires accommodantes à l’œuvre dans de nombreux pays, est passé de 150 p. 100 à 250 p. 100 du PIB de 2006 à 2015. Cet endettement vertigineux nourrit des surcapacités dans de nombreux secteurs et particulièrement dans l’acier, où la production chinoise représente la moitié de la production mondiale. Ces surcapacités engendrent des déséquilibres internes à la Chine et créent des tensions avec ses partenaires, les États-Unis et l’Europe. En outre, l’endettement cache la fragilité d’entreprises peu efficaces, en sureffectifs, dont une multitude d’entreprises publiques qui, tôt ou tard, devront disparaître ou se restructurer, avec des conséquences sociales immenses. Le Premier ministre Li Keqiang considère d’ailleurs que la chasse aux « entreprises zombies » est une priorité.
Les déséquilibres sociaux ne sont donc pas moins menaçants, du fait des écarts de revenus entre, d’une part, une classe moyenne et moyenne supérieure (plus de 300 millions d’habitants) et, d’autre part, la masse des paysans, des ouvriers et des travailleurs informels des grandes métropoles qui profitent peu de la croissance. Les écarts régionaux, surtout entre l’Est côtier dynamique et les régions de l’Ouest rurales et moins développées, sont également des facteurs de risque.
2016 marque un triple tournant pour la Chine. Les questions d’environnement occupant une place de premier plan, notamment en raison de l’utilisation intensive du charbon, de la forte croissance, de la densité urbaine et des préoccupations de la population à ce sujet, le XIIIe plan quinquennal (2016-2020) a défini un nouveau modèle de développement qualifié d’« innovant, coordonné, vert, ouvert et partagé ». La Chine a ratifié, en septembre 2016, l’accord de Paris sur le climat.
Signe de la puissance économique chinoise, le yuan est entré dans le club très fermé des monnaies de réserve du FMI, composant les DTS (droits de tirage spéciaux), rejoignant ainsi le dollar américain, l’euro, le yen et la livre sterling ; mais, comme le yuan n’est pas pleinement convertible, des réformes financières devront être entreprises pour lui donner une réelle attractivité. D’autre part, pour la première fois, la Chine est devenue exportatrice nette de capitaux, ses investissements à l’étranger dépassant les investissements étrangers sur son territoire.
Enfin, la politique de l’enfant unique mise en œuvre il y a trente-sept ans a été officiellement abandonnée. Avoir deux enfants est désormais autorisé. Il s’agit d’une réforme majeure, motivée par des raisons démographiques et par une pression sociale forte, même si cette politique s’était adoucie dans la dernière période et si le coût élevé des dépenses de santé et d’éducation reste un frein à la natalité.
Brésil, Russie et Afrique du Sud en régression, dynamisme de l’Inde
Le taux de croissance de l’Inde (7,6 p. 100) dépasse désormais celui de la Chine, si bien que l’Inde apparaît comme une exception notable dans ce groupe de pays. Cependant, les réformes foncières, fiscales et juridiques sont plus lentes que ne le laissait prévoir l’élection de Narendra Modi en 2014.
Le Brésil et la Russie sont en récession et, comme les pays du Sud, sont affectés par la baisse des prix des matières premières. La Russie, après une chute du PIB de 3,7 p. 100 en 2015, connaît un net redressement, mais son taux de croissance reste négatif (autour de – 1 p. 100). Le pays pâtit principalement d’un très mauvais climat d’investissement, attribuable à l’absence d’une stratégie économique claire de la part du pouvoir et aux sanctions occidentales.
Malgré quelques améliorations au second semestre, l’économie du Brésil continue de s’enfoncer dans une profonde dépression, régressant de 3,3 p. 100 en 2016 après avoir reculé de 3,8 p. 100 en 2015. Les bouleversements politiques et l’inflation élevée mettent en péril les résultats obtenus en matière de lutte contre la pauvreté.
La croissance de l’Afrique du Sud continue de ralentir, passant de 1,3 p. 100 en 2015 à une quasi-stagnation en 2016 (0,1 p. 100).
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Écrit par
- Jean-Pierre FAUGÈRE : professeur émérite de sciences économiques, université Paris-Sud
Classification
Médias
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