ÉCONOMIE MONDIALE 2019 : entraves à la croissance, recul de la mondialisation

Europe : des croissances en baisse et divergentes

Fortement ouverte sur l’extérieur, l’Allemagne subit de plein fouet la morosité du commerce mondial, le ralentissement de la production de l’industrie automobile et l’incertitude du Brexit. En 2019, son taux de croissance est le plus faible de la décennie (0,5 p. 100 en 2019 après 2,5 p. 100 en 2017 et 1,5 p. 100 en 2018). Ce ralentissement s’accompagne du maintien d’un excédent budgétaire, d’un chômage faible et d’un revenu par tête des plus élevés, mais près de 20 p. 100 de la population est menacée de pauvreté ou d’exclusion sociale. De plus en plus de voix, à l’intérieur – le Conseil des experts économiques, souvent appelés « les cinq sages » – comme à l’extérieur – les partenaires européens de l’Allemagne et les institutions financières internationales –, appellent, vainement, le gouvernement d'Angela Merkel à réduire son excédent budgétaire.

En France, le PIB augmente de 1,2 p. 100 (1,7 p. 100 en 2018 et 2,3 p. 100 en 2017), soutenu par la consommation des ménages et l’investissement des entreprises ; le chômage poursuit sa lente baisse. Assez curieusement, les mesures sociales adoptées en réponse au mouvement des « gilets jaunes » ont poussé à la hausse le taux d’épargne des ménages. À partir de janvier 2019, le CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi), qui présentait l’inconvénient d’un décalage entre le paiement des salaires et la perception du crédit d’impôt, est remplacé par une baisse des charges sociales pour les employeurs, ciblée sur les bas salaires. Dès lors, en 2019, se cumulent la créance de CICE au titre des années précédentes et cette réduction des cotisations sociales, ce qui améliore la trésorerie des entreprises.

L’Espagne, un des meilleurs élèves de l’Europe en termes de croissance (2,2 p. 100) en dépit d’un ralentissement, mais un des plus mauvais en termes de chômage (14 p. 100), subit une instabilité politique (quatre élections générales en quatre ans) qui freine l’adoption de mesures fiscales et d’une nécessaire réforme des retraites.

Les rapports entre l’Union européenne et l’Italie, dont l’économie est atone (croissance nulle après 1,7 p. 100 en 2017 et 0,9 p. 100 en 2018), extrêmement tendus en 2018 avec le gouvernement Conte 1, se sont assouplis avec le gouvernement Conte 2, plus conciliant avec les instances européennes, même si l’abandon du relèvement de la TVA et les projets d’investissements ambitieux sont de nature à grever le budget.

Au terme de son mandat de huit ans, Mario Draghi laisse en novembre la place à Christine Lagarde à la tête de la Banque centrale européenne (BCE). Sa politique monétaire aura été marquée par le rachat massif de dettes publiques (quantitative easingou « assouplissement quantitatif »), vivement décrié par les orthodoxes allemands, une vigoureuse défense de la monnaie européenne et des taux de dépôt négatifs. Une inflation de 2 p. 100, longtemps l’objectif des politiques désinflationnistes, est devenue difficile à atteindre. La stimulation de la croissance par une politique d’argent facile trouve ses limites et les pays européens sont réticents à favoriser l’expansion par l’outil budgétaire, bien que le coût de l’endettement soit faible, voire nul. La croissance dans la zone euro reste plus faible (1,2 p. 100) que celle l’Europe des 28 (1,5 p. 100).

L’année 2019 a apporté son lot de rebondissements au feuilleton du Brexit : le « hard brexiter » Boris Johnson, qui a succédé à Theresa May en juillet, s’est heurté aux multiples blocages d’un Parlement divisé avant d’obtenir un report du Brexit : « I'd rather be dead in ditch than ask for an extension on Brexit » (« je préfèrerais mourir dans un fossé que de demander le report du Brexit »), disait-il en septembre, avant de[...]