ÉCONOMIE MONDIALE 2021 : rebond, fractures sanitaires et fractures économiques
Après la récession quasi générale de 2020 en raison de la crise sanitaire due à la Covid-19, à l’exception notable de la Chine, 2021 est l’année d’un rebond économique inégal, la pandémie ayant elle-même connu des répliques variées selon les pays et les périodes de l’année. La croissance mondiale s’établit à 5,9 %, après une baisse de 3,1 % en 2020. La propagation du virus, et de ses variants plus transmissibles et plus dangereux, fait sentir ses effets : mesures de confinement et de déconfinement qui affectent la mobilité, l’activité et la consommation ; campagnes de vaccination afin de réduire la circulation du virus et les hospitalisations ; politiques de soutien des revenus des ménages et de l’activité des entreprises.
Le plus souvent, c’est la même ligne de fracture qui distingue les pays : d’une part en fonction du degré de protection face à la pandémie – dans les pays avancés, plus de 60 % de la population est entièrement vaccinée à la fin de 2021, alors que le taux est inférieur à 10 % dans les pays à faible revenu –, et d’autre part, en fonction de leur capacité à mettre en place des politiques de soutien de la production et des revenus. La diversité des trajectoires souligne le profond fossé qui s’est creusé entre les nations. Les pays développés ont pu mieux juguler la pandémie et trouvé des ressources pour soutenir l’économie. Les autres sont confrontés à la combinaison d’un manque de moyens sanitaires et d’une impossibilité financière pour protéger les revenus de leur population et assurer la survie des entreprises. Actualisant les prévisions de trajectoires économiques effectuées avant la crise, les économistes du FMI mesurent son impact sur la production : en 2024, la production au niveau du monde devrait être inférieure de 2,9 % au niveau prévu avant la pandémie ; cette baisse serait de 5,5 % pour les pays émergents et en développement (hors Chine) et de 6,7 % pour les pays en développement à faible revenu. En revanche, pour les pays avancés, il s’agirait d’une hausse de 0,9 %, ce qui montre que, non seulement les inégalités entre les deux groupes de pays se sont creusées, mais que, de surcroît, les pays avancés tireraient un avantage du rebond postpandémique.
Une vague d’appauvrissement envahit donc une partie de la planète, de façon particulièrement aiguë pour certaines zones. Le constat de la Banque mondiale est alarmant : si pendant près de vingt-cinq ans, l'extrême pauvreté n'a cessé de reculer, aujourd’hui, pour la première fois en une génération, elle regagne du terrain. Le taux mondial d'extrême pauvreté a augmenté en 2020 du fait de la pandémie et environ 100 millions de personnes supplémentaires vivent désormais dans la pauvreté. De plus, pour les pays les plus fragiles, la catastrophe sanitaire se conjugue généralement avec une vulnérabilité climatique et une précarité politique, en raison des conflits qui les minent.
Dans ce contexte, la Chine fait toujours figure d’exception. Seul pays à ne pas avoir connu de baisse d’activité en 2020, elle poursuit sa route vers la place de première économie mondiale. Ce cas particulier, ainsi que la Russie et le Brésil, toujours très dépendants de leurs exportations de matières premières, rendent le concept de « BRICS » obsolète, en tout cas sur le plan économique, comme le reconnaît son inventeur, l’économiste britannique Jim O’Neill. Une nouvelle configuration mondiale se dessine, fragmentée en trois ensembles :
– le monde des pays avancés, avec, à leur tête les États-Unis, qui ont globalement jusqu’ici surmonté les effets les plus graves de la pandémie et profitent même de la crise pour opérer des investissements colossaux qui ne figuraient pas dans les agendas ;
– la Chine, un « deuxième monde » qui réalise ses rêves de puissance économique et politique[...]
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Écrit par
- Jean-Pierre FAUGÈRE : professeur émérite de sciences économiques, université Paris-Sud
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Médias