ÉCONOMIE MONDIALE 2021 : rebond, fractures sanitaires et fractures économiques
Le deuxième monde : la Chine, les tensions d’un capitalisme triomphant
La croissance chinoise ralentit sous l’effet conjugué des effets de la pandémie et des mesures gouvernementales restrictives, en particulier dans le domaine du crédit. De plus, les coupures d’électricité se sont multipliées du fait d’une augmentation du prix du charbon couplée au blocage du prix de l’électricité. Plus fondamentalement, en matière d’énergie, la Chine se heurte à une contradiction entre ses engagements à réduire ses émissions de carbone, réaffirmés lors de la COP 26 (pic d’émissions avant 2030 et neutralité carbone avant 2060), et sa forte dépendance au charbon.
Du point de vue politique, Xi Jinping renforce son pouvoir personnel. Après l’adoption, en 2018, d’une décision ouvrant la possibilité d’un troisième mandat, la réunion du plénum du Comité central du Parti communiste chinois en novembre 2021 inscrit Xi Jinping dans l’histoire (en adoptant une « résolution historique ») au même titre que Mao Zedong et Deng Xiaoping. La Chine s’affirme sur la scène internationale, en particulier grâce au développement de la Belt and Road Initiative (appelée en français « Nouvelles Routes de la soie ») et à sa présence en Afrique, tout en prônant une forme de repli sur soi. En effet, le XIVe plan quinquennal, publié en mars, met en avant l’« autosuffisance » et préconise une « double circulation », qui vise à réduire la dépendance par rapport à l’économie mondiale : la demande intérieure est stimulée (« circulation interne ») en continuant à encourager la mobilité des travailleurs vers les zones les plus dynamiques et l’appareil productif est renforcé (« circulation externe »). Il en résulte la poursuite d’une politique différenciée à l’égard des investissements extérieurs. Si les investissements porteurs de transferts technologiques sont bienvenus, il n’en est pas de même pour les investissements des entreprises qui concurrencent directement les entreprises chinoises.
En outre, les trois grands problèmes de la croissance chinoise perdurent : inégalités sociales, fragilité financière et dégradation de l’environnement, auxquels s’ajoute, en 2021, une forme de crise de gouvernance des grandes entreprises.
Certains grands groupes, incarnation du dynamisme capitaliste congloméral chinois, enregistrent de graves difficultés que le gouvernement ne semble pas déterminé à atténuer. À l’automne, la quasi-faillite d’Evergrande, deuxième groupe immobilier chinois qui s’est largement diversifié, dévoile la fragilité d’une économie dans laquelle la construction et l’endettement constituaient des moteurs majeurs. Evergrande est une entreprise too big to fail (« trop grosse pour faire faillite »), mais le gouvernement chinois se refuse à relancer l’activité immobilière, tout en cherchant à trouver un prix d’équilibre entre, d’une part, les intérêts des promoteurs et des propriétaires et, d’autre part, ceux des jeunes qui cherchent à se loger. Toujours à l’automne, deux dirigeants de HNA, conglomérat construit autour de la compagnie Hainan Airlines, en faillite depuis le début de l’année à cause d’un excès de dettes et en voie d’être démantelé, se sont retrouvés en prison. De plus, le pouvoir durcit les règles par rapport à certains grands groupes : Alibaba, géant chinois du commerce en ligne, enregistre ainsi des pertes dues au durcissement de la régulation des entreprises du numérique.
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Écrit par
- Jean-Pierre FAUGÈRE : professeur émérite de sciences économiques, université Paris-Sud
Classification
Médias