ÉCONOMIE MONDIALE 2021 : rebond, fractures sanitaires et fractures économiques
Le troisième monde : les ombres de l’appauvrissement
Russie : rigueur budgétaire et conversion climatique
La fin de l’année est marquée en Russie par de mauvaises nouvelles sur le front de la pandémie. Les statistiques de personnes contaminées et de décès s’envolent, alors même que seulement 35 % de la population est vaccinée, un chiffre qui révèle une forte méfiance à l’égard de l’État. Ces revers sanitaires devraient mettre à mal la fameuse résilience russe. La surmortalité provoquée par la Covid-19 accentue par ailleurs une baisse de la population due à la conjonction d’un faible taux de natalité, d’un système de soin défaillant et de vagues d'émigration, alors même que Vladimir Poutine voit dans la démographie un atout de puissance.
Sur fond de politique de rigueur budgétaire et monétaire et de congélation politique, les inégalités s’accroissent. À l’inverse de nombreux pays, la Russie limite fortement la distribution d’aides exceptionnelles (moins de 4 % du PIB) et opte pour la rigueur, tant dans sa politique budgétaire – d’où résultent un déficit de seulement 0,5 % du PIB et une dette publique de moins de 20 %, que dans sa politique monétaire, axée sur une hausse des taux d’intérêt.
L’économie russe cumule une croissance ralentie, avec un léger rebond en 2021 (4,7 %), un taux de chômage faible, un taux d’inflation élevé, qui progresse (5,9 %) et menace le pouvoir d’achat des ménages, et un excédent extérieur prononcé, poussé par les prix comme par les volumes des exportations de combustibles, de bois et de métaux.
Toutefois, la pauvreté d’une grande partie de la population, déjà très marquée, tend à s’accentuer : le taux de pauvreté, pourtant défini à un faible niveau (de l’ordre de 150 euros par mois), est à 13 %, en hausse constante depuis 2012 et, selon une agence officielle, les ressources de plus de 60 % des Russes sont consacrées exclusivement à la nourriture et à l'habillement.
Pour l’avenir, le gouvernement fixe deux réorientations majeures : la digitalisation de l’économie et, plus récemment, la décarbonation avec l’annonce d’une conversion climatique à la COP 26.
Inde : le nationalisme libéral face aux désastres sanitaires et sociaux
Alors que l’Inde avait réussi à éviter le pire lors de la première vague de la pandémie, la gestion par le gouvernement de Narendra Modi de la deuxième vague se révèle désastreuse en 2021 : sous-estimation du phénomène, diffusion d’informations fantaisistes sur les remèdes, refus de vaccination, mauvaise communication conduisant à l’abandon des gestes barrières. Premier producteur de vaccins au monde, l’Inde se retrouve dans une situation de pénurie face à la Covid-19.
Par ailleurs, le pays s’enfonce dans la pauvreté. En 2021, 230 millions de personnes supplémentaires tombent sous le seuil de pauvreté (fixé à 375 roupies par jour soit 4,20 euros), alors que la période 2005-2015 en avait vu 270 millions en sortir. À cela s’ajoutent une augmentation du chômage, une baisse des revenus pour la quasi-totalité de la population, le recours à l’endettement en raison des lacunes de l’assurance santé, la crise alimentaire...
Pour essayer de faire face à la dégradation des finances publiques, le gouvernement, qui s’interdit une hausse de la fiscalité, se lance dans de nouvelles privatisations et dans la location au secteur privé d’actifs publics (routes, voies ferrées, oléoducs, lignes téléphoniques), ce qui devrait permettre de renflouer les caisses publiques de près de 70 milliards d’euros. Au sein de la mouvance nationaliste hindoue, certains soulignent la contradiction entre ces privatisations et la volonté de rendre l’Inde autonome en matière de santé, de transport et d’énergie.
Toutefois, dans le domaine agricole, Narendra Modi est obligé de reculer dans sa volonté de libéralisation[...]
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Écrit par
- Jean-Pierre FAUGÈRE : professeur émérite de sciences économiques, université Paris-Sud
Classification
Médias