- 1. États-Unis : des tournants de politique économique sur fond d’inflation
- 2. Europe : des performances atypiques et un répit macroéconomique
- 3. Japon : une trajectoire toujours singulière
- 4. Chine : le ralentissement de la croissance
- 5. Russie : la résistance aux sanctions
- 6. Inde : une croissance en mirage
- 7. Brésil : embellie économique et désastre environnemental
- 8. Pays du Sud : le cumul des crises extrêmes
- 9. Conclusion
ÉCONOMIE MONDIALE 2022 : le cumul des crises
Comme les deux années précédentes, l’économie mondiale en 2022 est marquée par l’intrusion brutale de facteurs exogènes : après la pandémie de Covid-19, la guerre en Ukraine et les sanctions qui en découlent à l’égard de la Russie accentuent la tendance sous-jacente au recul de la mondialisation, tout en créant pénuries et flambées des prix dans les secteurs de l’énergie et des céréales.
L'inflation est donc de retour. Fait nouveau, elle affecte aussi les pays avancés, qui, depuis une quarantaine d’années, s’étaient accoutumés à une relative stabilité en la matière ; ils connaissent une hausse des prix de plus de 7 % en 2022 alors que, sur la période 2014-2020, elle n’était que de 1,2 %, et de 3,1 % en 2021. Cette stabilité installée à partir des années 1980, du fait de la mondialisation des échanges qui tire les prix vers le bas, a longtemps été considérée comme endémique et peu susceptible de s’interrompre, comme l’avait été l'inflation rampante des années 1970 dans un contexte de marchés oligopolistiques et de faible ouverture internationale.
Par rapport aux deux années précédentes, le prix moyen du pétrole brut augmente de 50 % (de 60 à 90 dollars le baril) en 2022, de même que le prix du blé tendre qui passe de 200 à 300 euros la tonne. Si ces deux facteurs ont déclenché cette nouvelle inflation, elle est aussi le résultat, d’une part, des perturbations dues à la pandémie de Covid-19 (fragmentation accrue des chaînes de production et politiques budgétaires de soutien aux revenus et à l’activité), et, d’autre part, des politiques monétaires laxistes qui avaient conduit à des taux d’intérêt nominaux proches de zéro et des taux d’intérêt réels faibles.
Les effets sociaux de l’inflation sont lourds de conséquences puisqu’elle touche plus fortement les pays et les catégories sociales consacrant une part importante de leurs dépenses à l’alimentation et à l’énergie, et ceux qui ne disposent pas d’un pouvoir de négociation (bargaining power) favorable pour résister à l’érosion de leur pouvoir d’achat – les plus pauvres, donc. La désindexation des salaires sur les prix, indolore en période de stabilité, entraîne, lorsque les prix augmentent à nouveau, un appauvrissement générateur de revendications et de conflits sociaux.
Par ailleurs, le réchauffement climatique affecte en 2022 tous les continents : la Corne de l’Afrique, de façon particulièrement dramatique, l’Asie (sécheresse en Chine, inondations au Pakistan), l’Amérique du Nord (feux de forêt), l’Europe (canicule). Dans un moment de prise de conscience aiguë des enjeux environnementaux, la COP 27 – à Charm el-Cheikh, en novembre – n’a fait aucune avancée sur la réduction des émissions de gaz carbonique, mais a décidé la création d’un fonds dédié à la réparation des pertes et dommages déjà subis par les pays du Sud.
L’urgence de trouver rapidement des sources d’énergie de remplacement au gaz et au pétrole russes ainsi que les dépenses entraînées par le soutien aux revenus des ménages entrent en conflit avec la nécessité d’investir dans des énergies propres, pour l’instant moins rentables : certains pays réactivent leur production de charbon (Allemagne, Royaume-Uni) ou d’hydrocarbures (États-Unis) ; parallèlement, il est difficile de mettre en œuvre des mesures comme les taxes sur les émissions de CO2 dans un contexte de baisse du pouvoir d’achat.
Les crispations politiques, parfois causes et parfois conséquences de ces crises économiques, sont multiples : la Chine de Xi Jinping, qui revient sur les modestes libéralisations de ses prédécesseurs, et la Russie de Vladimir Poutine, qui rêve d’un retour de l’Empire soviétique, réduisent leur ouverture à l’international, renforcent leur présence en Afrique et tentent de créer un front anti-occidental, au moment[...]
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Écrit par
- Jean-Pierre FAUGÈRE : professeur émérite de sciences économiques, université Paris-Sud
Classification
Médias