- 1. États-Unis : des tournants de politique économique sur fond d’inflation
- 2. Europe : des performances atypiques et un répit macroéconomique
- 3. Japon : une trajectoire toujours singulière
- 4. Chine : le ralentissement de la croissance
- 5. Russie : la résistance aux sanctions
- 6. Inde : une croissance en mirage
- 7. Brésil : embellie économique et désastre environnemental
- 8. Pays du Sud : le cumul des crises extrêmes
- 9. Conclusion
ÉCONOMIE MONDIALE 2022 : le cumul des crises
Russie : la résistance aux sanctions
Les sanctions occidentales mises en œuvre contre la Russie après l’annexion de la Crimée en 2014 se sont fortement renforcées après l’invasion de l’Ukraine à la fin février. En dehors des mesures individuelles et de celles qui touchent certains médias, en particulier Sputnik et RT (ex-Russia Today), les sanctions affectent de nombreux pans de l’économie russe : la finance (exclusion du système interbancaire international SWIFT et de certains financements sur les marchés), les importations de biens et de technologies dans le secteur militaire et les transports, et les exportations de matières premières et de produits énergétiques. Concernant ce dernier volet, tandis que les États-Unis, forts de leurs importantes ressources énergétiques, ont déclaré un embargo sur le gaz et le pétrole russes dès mars, un accord a été trouvé en décembre entre l’Union européenne, les pays du G7 et l’Australie pour imposer un prix plafond de 60 euros le baril de pétrole brut transporté par voie maritime, qui représente 90 % des exportations russes.
Pour alléger le poids de ces restrictions, la Russie a poursuivi et accentué des évolutions : « russification » des circuits, réorientation des flux commerciaux avec d’autres pays, « importations parallèles », c’est-à-dire contournement des sanctions, et allégement des réglementations.
La russification de l’économie a eu des résultats inégaux : positifs en matière agricole, mais faibles sur d’autres secteurs, notamment ceux à haute technologie (microprocesseurs, matériels de défense, par exemple). En ce qui concerne le secteur financier, elle s’est traduite en particulier par la création d’un système de communication financière, le SPFS, pour pallier l’éviction du pays de SWIFT, par une réduction de la dette publique pour être moins tributaire des créanciers étrangers, et la conversion des réserves pour atténuer le poids du dollar.
La réorientation des flux commerciaux se traduit notamment par le redéploiement des exportations pétrolières : entre février et octobre, elles augmentent de 10 %, mais la part de l’Europe dans les destinations régresse de 53 % à 21 %, en partie remplacée par l’Inde et les pays asiatiques autres que la Chine (de près de 0 % à 33 %) et par la Turquie, dont la part quadruple (de 3 % à 12 %). Cette nouvelle carte des échanges entraîne une plus forte dépendance commerciale de la Russie par rapport à la Chine.
Pour contourner les sanctions ainsi que les effets du départ d’entreprises occidentales et pour ne pas décevoir la classe moyenne russe, demandeuse de vêtements, d’automobiles et de produits technologiques, le gouvernement a mis en place des importations parallèles, qui transitent par des pays frontaliers membres de l'Union économique eurasiatique (Arménie, Biélorussie, Kazakhstan et Kirghizistan), sans l’accord des entreprises détentrices des marques.
Dernier expédient, la Russie a revu à la baisse certaines normes de sécurité, par exemple en autorisant la production de voitures sans ABS ou airbags, pour faire face aux pénuries de composants électroniques et de pièces détachées.
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Écrit par
- Jean-Pierre FAUGÈRE : professeur émérite de sciences économiques, université Paris-Sud
Classification
Médias