- 1. États-Unis : les failles financières d’une économie en croissance
- 2. Europe : stagnation et divergences
- 3. Japon : une trajectoire toujours singulière
- 4. Chine : le poids de la crise de l’immobilier et de la déflation
- 5. Russie : richesse pétrolière et pénurie d’hommes
- 6. Brésil : une année faste
- 7. Inde : dynamisme économique et tensions sur l’alimentation
- 8. Afrique subsaharienne : divergences de trajectoire et menaces multiples
ÉCONOMIE MONDIALE 2023 : dureté financière, ralentissement et fragmentation des échanges
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Les fortes turbulences du début des années 2020 – pandémie, guerre en Ukraine, puis, à la fin de 2023, conflit israélo-palestinien – ont pour toile de fond des bouleversements majeurs : le changement climatique et la nouvelle révolution numérique née des progrès de l’intelligence artificielle, tous deux nécessitant d’énormes capitaux.
Le commerce mondial et les évolutions des économies nationales sont donc marqués par les séquelles de la pandémie de Covid-19, par les premières conséquences de la guerre en Ukraine, auxquelles s’ajoutent les perturbations dues à l’inflation et les effets des vigoureuses politiques monétaires destinés à lutter contre celle-ci.
Le commerce mondial est affecté dans son rythme et dans sa configuration, et a fortement ralenti sa progression, de 2,7 % en 2022 à 0,8 % en 2023. Cette réduction est plus marquée que celle de la croissance mondiale, qui passe de 3,5 % à 3 %, en raison d’une dynamique affaiblie des échanges portant sur les biens de consommation durables et les biens d’investissement. Les origines de cette relative stagnation sont multiples : à la fois économiques, avec l’inflation et l'élévation des taux d’intérêt, et géopolitiques, avec la fragmentation des flux commerciaux. La mise en place de nouveaux obstacles aux échanges, principalement les sanctions occidentales vis-à-vis de la Russie, atténue la dimension internationale des chaînes d’approvisionnement, sans toutefois la remettre en cause.
Si la pandémie avait montré l’importance des chaînes de production mondialisées des biens manufacturés, la guerre en Ukraine repositionne au premier plan le commerce des produits de base. La perturbation des marchés de combustibles et de céréales a engendré une insécurité alimentaire et énergétique dans de nombreux pays, ainsi qu’une hausse des prix, puis entraîné une redistribution des échanges. L’offre des produits de base est concentrée dans quelques pays, alors que la demande est mondiale ; d’où l’importance de la fluidité des échanges commerciaux.
Par ailleurs, face à l’inflation, la plupart des banques centrales ont mené des politiques strictes de resserrement monétaire aboutissant à une hausse des taux d’intérêt. Le renchérissement du crédit pèse sur l’investissement des entreprises et le niveau de production ; l’investissement immobilier est d’autant plus touché que les ménages disposent d’une épargne faible, notamment dans les pays occidentaux. Le tissu industriel commence à être fragilisé par la raréfaction du crédit. Les autorités monétaires, confrontées au dilemme classique entre assurer la stabilité des prix ou maintenir le niveau de croissance, accordent la priorité à la lutte contre l’inflation.
Dans ce contexte, seul aspect positif, le chômage reste globalement faible, sans toutefois que cela entraîne de fortes hausses salariales. En conséquence, d’une part, les salaires réels ont tendance à baisser, en raison de la hausse des prix, et, d’autre part, ne redoutant pas une détérioration de la situation de l’emploi, les décideurs monétaires sont encouragés dans la lutte contre l’inflation.
En ce qui concerne les relations internationales, le groupe des BRICS (initialement Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), réuni à Johannesburg en août 2023, a décidé de s’élargir. Sur 22 candidats, 6 ont été retenus : Argentine, Iran, Arabie Saoudite, Émirats arabes unis, Égypte et Éthiopie ; toutefois, le président argentin Javier Milei, élu en novembre 2023, très proche des États-Unis, a déclaré ne pas donner suite pour son pays. Cet élargissement – prenant effet le 1er janvier 2024 –, qui crée un ensemble représentant 46 % de la population mondiale et plus du tiers de la production mondiale, est l’expression du recul du clan occidental ; il est aussi le théâtre de la rivalité entre la Chine[...]
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Écrit par
- Jean-Pierre FAUGÈRE : professeur émérite de sciences économiques, université Paris-Sud
Classification
Médias