ÉCONOMIE RÉGIONALE ET URBAINE
À toutes les échelles spatiales, les activités humaines sont inégalement réparties. Dans les villes, mais aussi dans les pays et entre les nations, la distribution de la population et celle des richesses sont caractérisées par des pics et des creux, lesquels sont le reflet d’inégalités spatiales souvent considérables. Ce constat, et d'autres qui s'y rattachent, constituent la raison d'être de l'économie régionale et urbaine. Comme son nom l'indique, celle-ci étudie des territoires de nature différente. Alors que l'économie régionale s'intéresse principalement à l'organisation de vastes territoires – la France ou l'Union européenne, par exemple –, l'économie urbaine se penche sur la structure interne des villes et sur la manière dont les sols y sont affectés – quartiers résidentiels ou commerciaux, par exemple. Dans les villes, le sol est une composante fondamentale du choix des localisations ; en revanche, il est peu significatif dans l'organisation des grands espaces économiques où l’intégration des marchés et la mobilité des facteurs de production prédominent. La distinction entre économie régionale et économie urbaine est donc avant tout une question d’échelle spatiale. Elle dicte ainsi l'architecture de ce domaine de la science économique, les systèmes de ville et la hiérarchie urbaine étant à la charnière des deux champs.
Le déplacement des personnes ou la transmission d'informations, l'échange de biens et de services entre agents économiques imposent des frais, qu’on appellera « coûts de transport ». Quelle que soit l'organisation économique et sociale, l'arbitrage entre rendements d'échelle croissants (augmentation plus que proportionnelle de la production à la suite d’une augmentation des facteurs de production) et coûts liés à la mobilité des biens et des personnes (coûts de transport) gouverne la distribution des activités économiques dans l'espace. De ce binôme résulte une conséquence fondamentale pour comprendre la formation des espaces économiques à toutes les échelles : tout ne peut pas être disponible partout. Un exemple simple suffira à l’illustrer. Un décideur a pour tâche de satisfaire les besoins d’usagers implantés dans deux régions distinctes. L’approvisionnement des usagers n’engendre pas de coût si l’offre est locale, mais il implique un coût de transport égal à T euros si l’approvisionnement se fait à partir de l’autre région. Le coût de construction d’un établissement est supposé identique dans chacune des régions et égal à F euros. Si le décideur désire minimiser le coût total de construction et de transport, il choisira de construire un établissement dans chaque région si, et seulement si, 2F est inférieur à F + T, c’est-à-dire si T excède F. Dans le cas contraire, il est moins onéreux de construire un seul établissement approvisionnant les deux régions. Autrement dit, des coûts de transport élevés favorisent la dispersion de l’offre, alors que des coûts de transport modérés poussent à sa concentration. En revanche, plus la valeur de F est élevée, par exemple parce que l’investissement nécessaire réclame des équipements coûteux, plus la production au sein d’une seule région est vraisemblable. On voit ainsi comment les valeurs respectives de T et de F, donc les deux termes de l’arbitrage, affectent le choix du décideur et, en fin de compte, la concentration ou la dispersion de la production.
Du fait du progrès technique, rendements d'échelle et coûts de transport varient avec le temps, induisant des formes de peuplement qui diffèrent au cours de l'histoire.
Bref historique du paysage économique
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Écrit par
- Jacques THISSE : ancien professeur d'économie à l'École nationale des ponts et chaussées
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