ÉCONOMIE RÉGIONALE ET URBAINE
Les systèmes urbains
L'étude des systèmes urbains constitue la transition idéale pour passer de l'économie urbaine à l'économie régionale. En effet, alors qu'ils sont formés de villes, et par conséquent du ressort de l'économie urbaine, les systèmes urbains se déploient sur de vastes territoires, ce qui les place d'emblée au cœur de l'économie régionale.
Dimension et types de ville
Dès que l'approvisionnement en produits agricoles est garanti, les villes admettent une taille optimale qui résulte du jeu entre rendements croissants et coûts des migrations alternantes imposées à leurs résidents. Une fois celle-ci atteinte, firmes et ménages sont incités à fonder une nouvelle ville. Et c'est bien ce qu'ont fait les Américains durant leur marche vers l'Ouest. La taille optimale change également avec les époques : si Aristote admet qu'une ville doit avoir une taille minimale, une polis d'un million d'habitants est, pour lui, inconcevable. La taille des villes évolue avec le progrès technique en matière de transport, mais aussi avec les connaissances dans les domaines de la construction et de la communication.
La diversité des villes est un phénomène tout aussi ancien, dont l'origine remonte au début du commerce à longue distance. Du fait de dotations différentes en ressources naturelles, de nombreuses villes vont très vite se spécialiser dans la production d'un petit nombre de biens et exporter une fraction importante de leur produit. Simultanément, elles fournissent à leurs ressortissants les biens et services qui ne peuvent être importés. La spécialisation n'est donc que partielle.
Depuis la publication en 1933 de l'ouvrage de Walter Christaller, Die Zentralen Orte in Süddeutschland, les géographes ont mis en évidence l'existence d'une hiérarchie des villes obéissant à une forte régularité : les aires d'influence de villes de même rang dans la hiérarchie seraient de taille comparable, tandis que les aires associées à des villes de rangs différents seraient, à l'image des poupées russes, emboîtées selon leur rang dans la hiérarchie. À un extrême, la zone d'influence de la ville primatiale se confondrait avec le territoire national ; à l'autre extrême, la zone d'influence d'un village serait incluse dans toutes les aires de rangs supérieurs.
Ces observations ont conduit Vernon Henderson (1974) à proposer une théorie économique des systèmes urbains modernes. La production des biens étant soumise à des rendements d'échelle croissants, chaque ville admet une taille optimale qui varie avec sa base industrielle. En supposant un « marché des villes », Henderson démontre que des villes seront créées jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'opportunités pour un aménageur (land developer) ou une collectivité territoriale d'en créer une nouvelle. Une telle situation correspond à un équilibre avec libre entrée dans lequel toutes les villes sont identiques, leur nombre étant déterminé par le rapport entre taille du marché global et taille optimale d'une ville. La forte baisse des coûts de transport entre villes, surtout aux États-Unis, amène Henderson à supposer la nullité de ces coûts. Il montre ensuite que les villes sont incitées à se spécialiser dans la production de biens différents. En effet, toute production jointe de plusieurs biens induit une croissance des coûts intra-urbains de déplacements, parce qu'elle augmente le nombre de travailleurs, et empêche l'exploitation maximale des rendements d'échelle dans la production d'un seul bien. Les biens étant caractérisés par des degrés différents d'économie d'échelle, la taille des villes diffère selon le bien produit. En conséquence, à l'équilibre, le système urbain implique l'échange de biens différents entre villes de type et de taille différents, principe qui décrit[...]
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Écrit par
- Jacques THISSE : ancien professeur d'économie à l'École nationale des ponts et chaussées
Classification
Média
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