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ÉCONOMIE SOUTERRAINE

La mesure de l'économie souterraine

Si les comptables nationaux s'intéressent tant à l'économie souterraine, c'est en grande partie parce qu'ils ont pour mission de calculer le P.I.B. Or ce calcul, qui repose sur des conventions internationales en matière de collecte et de traitement statistiques, doit être le plus exhaustif possible. On sait par exemple que pour les pays membres de l'Union européenne les contributions des États sont établies par rapport au P.I.B. ; on sait aussi que la richesse d'un pays se mesure à l'aune de son P.I.B. par tête, d'où l'importance d'avoir des modes de calcul harmonisés.

Il convient de noter qu'une partie substantielle de l'économie souterraine (qu'il s'agisse de production souterraine, illégale, de celle du secteur informel, ou de celle des ménages pour leur usage final propre) est intégrée dans le calcul du P.I.B. officiel. Cela explique pourquoi les estimations de l'économie non enregistrée qui émanent des comptables nationaux sont systématiquement inférieures à celles que réalisent d'autres chercheurs. Pour un comptable national, est non enregistré ce qui n'est pas comptabilisé dans le P.I.B., alors que pour un auteur qui cherche à mesurer l'économie souterraine, c'est le chiffre d'affaires des activités souterraines qui compte, lequel est converti en pourcentage du P.I.B. pour avoir un élément de référence.

Ajoutons que la relation entre activités souterraines et P.I.B. n'est en rien homogène. Certaines activités ont pour effet d'accroître le P.I.B., c'est le cas de tout ce qui est productif, marchand ou non marchand (travail au noir sur un chantier, tenue de comptabilités ou travaux de secrétariat sans factures, etc.). D'autres activités n'ont aucune incidence sur le P.I.B. et s'analysent comme de simples transferts entre unités institutionnelles (les vols, les escroqueries). Certaines activités peuvent même avoir pour effet de réduire le P.I.B. : par exemple, les revenus en nature dissimulés (utilisation à titre privé du téléphone ou de la photocopieuse de son entreprise...) correspondent en réalité à des consommations finales lorsqu'ils sont ainsi détournés, alors qu'ils sont normalement comptabilisés comme des consommations intermédiaires, ce qui réduit d'autant la valeur ajoutée (valeur ajoutée = production totale — consommations intermédiaires). Il en est de même pour la contrebande qui accroît les importations et donc réduit le P.I.B. (P.I.B. = demande intérieure + demande extérieure nette, demande extérieure nette = exportations — importations).

Deux séries de méthodes sont utilisées pour mesurer le chiffre d'affaires des activités souterraines. Les méthodes indirectes reposent sur les traces laissées dans l'économie par les activités cachées, tandis que les méthodes directes s'appuient sur des enquêtes.

Les méthodes indirectes

Elles sont généralement classées en fonction des variables étudiées pour repérer les activités cachées.

Approches monétaires. Elles reposent sur un postulat : les transactions souterraines sont réglées en liquide. Dès lors, une anomalie constatée dans l'utilisation des billets de banque, non expliquée par une cause bien identifiée, est attribuée à l'économie souterraine. Le rapport entre billets et dépôts à vue est un premier indicateur. Ce rapport qui traduit le comportement des agents économiques en matière d'habitudes de paiements suit une trajectoire adaptée au niveau de développement. Ainsi, lorsque le P.I.B. par tête s'accroît, la part des billets a généralement tendance à décroître au profit de celle des chèques ou des cartes de crédit. Si ce rapport n'adopte pas la trajectoire prévue, c'est qu'il y a une utilisation inhabituelle[...]

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