ÉCONOMIE (Définition et nature) Objets et méthodes
La science de l'action humaine
Le quantitatif et le qualitatif
Les formes de la science économique dont nous venons de parler correspondent à des formes accomplies, non pas complètes, cependant, mais assez sûres.
Elles revêtent deux caractères. Elles sont à base de déterminisme : leurs auteurs pensent que les mécanismes économiques sont parfaitement déterminables. S'ils n'apparaissent pas encore tels aujourd'hui, c'est que, dans la recherche des causes qui devraient expliquer tout le vécu, on n'a pas encore découvert toutes les variables explicatives. Ces formes sont aussi axées principalement sur la connaissance des données acquises, c'est-à-dire apportées par le passé. La science économique déterminante est, si l'on peut dire, de type passéiste. Le futur serait déterminé par le passé.
On se persuade facilement du caractère étroit d'une telle conception. La connaissance du passé, aussi parfaite qu'elle soit, ne suffit pas à établir celle du futur, surtout lorsque celui-ci n'est pas la simple résultante de mouvements extérieurs à la volonté humaine, comme la ronde des astres, mais qu'il est conditionné par les décisions des hommes d'aujourd'hui. Le choix d'une action influence la connaissance du monde de demain. Mais est-il encore permis de parler de science quand interviennent des actes de volonté ? Associer les mots : science de l'action, science de la décision, science de l'avenir, science du « faire » n'est-il pas contradictoire ?
Remarquons d'abord que, pour ce qui touche au passé, le constructeur d'un modèle sait bien qu'il n'explique pas tout par les variables qu'il a, cependant, judicieusement choisies. Lorsqu'il vérifie son modèle, il s'aperçoit que, même en l'absence d'erreurs d'observation ou de calcul, il subsiste toujours un écart entre ce modèle et la réalité. Cet écart, on l'a attribué à l'ignorance, c'est-à-dire au hasard. On l'a imputé à une composante appelée aléatoire ou stochastique (la random variable des Anglo-Saxons). Ainsi, même pour les constructions du passé, on faisait sa part au hasard, celui-ci correspondant à telle ou telle loi de probabilité. En revanche, à l'égard de l'avenir, le modèle fait encore plus sûrement appel à la composante stochastique. La dynamique du futur devient forcément une dynamique aléatoire, qui laisse place aux incertitudes et met en ordre les possibilités de l'action. Aussi n'est-il plus possible d'affirmer péremptoirement qu'il n'y a de science que du certain, qu'il n'y a de science que du quantitatif. Puisque l'on admet l'idée d'une science du futur, d'une science de l'activité humaine, il faut bien donner asile dans la science de demain aux idées de qualité et d'incertitude.
Psychologie et sociologie
Certes, il était déjà fait une place plus ou moins large à la qualité dans la science économique d'hier. Et non seulement du fait de l'histoire, mais aussi de la psychologie et de la sociologie. On a même établi que la psychologie économique avait précédé, dans la chronologie des théories, la logique économique. La pensée économique du xviiie siècle était de style psychologique, notamment avec Condillac. Il n'y a pas de valeur en soi ; la valeur est toujours relative à l'appréciation d'un sujet ; elle est subjective par essence. Les classiques anglais et français ont tendance à l'oublier et à objectiver la valeur pour permettre des comptes et des calculs exacts.
Les marginalistes autrichiens (Menger, Wieser, Böhm-Bawerk) ont montré, au milieu du xixe siècle, que c'est au niveau du consommateur que se formait la valeur et qu'elle « remontait » du consommateur au producteur. Mais, à ce niveau, elle dépend des goûts, des[...]
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Écrit par
- Henri GUITTON : membre de l'Académie des sciences morales et politiques, professeur émérite à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
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