ÉCONOMUSÉES
Une enquête française réalisée en 1995 à la demande du C.N.R.S. recensait dans 29 pays d'Europe 286 établissements ayant pour mission de documenter, de conserver et de montrer au public des techniques et des savoir-faire artisanaux ou industriels traditionnels.
Cette enquête faisait apparaître, à côté de 136 musées, écomusées, musées de plein air ou musées techniques réalisant des démonstrations et organisant des formations à des techniques traditionnelles et de 58 conservatoires et centres de formation, l'émergence d'une autre catégorie d'institutions : les ateliers musées, petites entreprises d'implantation ancienne associant production et démonstration de techniques traditionnelles (ateliers qui sont appelés économusées au Canada, ).
Mais l'enquête n'était certainement pas exhaustive (92 ateliers musées), elle se limitait aux pays d'Europe occidentale ; il existe certainement dans l'ensemble du continent plusieurs centaines d'entreprises qui, pour trouver de nouveaux débouchés, ouvrent leur porte à un public amateur à la fois d'exotisme et de tradition.
Plusieurs raisons expliquent cet engouement récent pour le monde de l'entreprise : la disparition progressive des ateliers dans les villes comme dans les campagnes, les profondes transformations du monde ouvrier dans les pays les plus développés, l'automatisation accrue des processus de fabrication voire leur délocalisation dans des pays à main-d'œuvre peu coûteuse contribuent à rendre le monde de la production de plus en plus exotique. Si l'on ajoute à cela un zeste de nostalgie pour un temps où la « belle ouvrage » était visible dans l'atelier du tisserand ou dans la forge du maréchal-ferrant, on détient une série d'indices qui expliquent le désir que nous éprouvons à pousser la porte de l'usine ou de l'atelier.
Aujourd'hui, la société éprouve le besoin de se référer à un ensemble d'objets et de techniques qui renvoient à une tradition, à une authenticité. Produits de terroirs, pièces uniques sorties des mains d'un maître artisan ou objets manufacturés sont les messagers de la tradition ; ils constituent un lien avec le lieu d'origine (le terroir, le pays), un lien avec le temps (une histoire), un mode de transmission (la famille, la communauté, le groupe professionnel).
La conservation active des techniques en Europe : un état des lieux
La prise de conscience de la disparition d'un certain nombre de techniques et de savoirs indispensables à la création artisanale et artistique, ainsi que la prise de conscience des potentialités économiques que représente le marché des produits traditionnels ont engendré dans de nombreux pays d'Europe des initiatives publiques ou privées pour leur sauvegarde et leur mise en valeur.
Quatre catégories d'établissements – musées spécialisés, ateliers musées, conservatoires et centres de formation spécialisés – s'appliquent à perpétuer les savoirs techniques en faisant appel aux hommes qui sauront mettre en œuvre la formation requise (apprentissage, cursus spécialisés, stages...). Il faudra ensuite trouver des débouchés et adapter les produits au goût et aux aspirations du public.
Quelques exemples peuvent être cités : la coutellerie à Thiers ou la mégisserie et la ganterie à Millau, qui associent un musée à un centre de formation. À Charlieu, près de Lyon, a été construit un musée de la soie pour répondre à la demande des industriels et du lycée technique ; en Catalogne, le musée du textile de Terrassa dispense des formations spécialisées aux ingénieurs et aux designers. Le musée du chapeau de Chazelles-sur-Lyon, créé dans une ancienne usine, poursuit une activité de production tout en initiant le public aux subtilités du travail du feutre grâce à des jeunes, scolarisés pour être des «[...]
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Écrit par
- Denis CHEVALLIER : conservateur en chef du Patrimoine
Classification
Média