ÉCOSSE
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De l'Union de 1707 à la contestation contemporaine
La solidarité protestante entre l'Écosse et l'Angleterre, la crainte d'une restauration jacobite dans un royaume du Nord où les Highlands constituent longtemps un sanctuaire du catholicisme et du sentiment légitimiste, l'intérêt économique des Écossais à voir supprimer toutes les entraves au libre commerce avec le Sud et surtout dans les possessions coloniales anglaises, la pression vigoureuse du gouvernement de la reine Anne qui use aussi bien de la corruption que de la menace armée pour convaincre le Parlement d'Édimbourg, les promesses judicieuses faites à l'Église, aux nobles et aux grands intérêts : voilà qui explique, du côté écossais, l'acceptation du traité d'Union de 1707. Il constitue le royaume de Grande-Bretagne, supprime le Parlement d'Édimbourg, crée une représentation écossaise à celui de Westminster et met fin à des siècles de vie indépendante. Le particularisme local ne disparaît pas d'un coup et alimente le camp de révoltés jacobites en 1715 et, surtout, en 1745 lorsque Charles-Édouard, « Bonnie Prince Charlie », s'empare en fait de l'Écosse et porte la guerre au sud jusqu'à Derby. La « boucherie de Culloden » perpétrée par les troupes du duc de Cumberland, la défaite du Prétendant sont suivies de mesures de répression, de la destruction du système clanique dans les Highlands, de la création d'un réseau routier sud-nord qui désenclave l'Écosse en même temps qu'il favorise d'éventuelles répressions.
L'Union a longtemps fonctionné sans à-coups majeurs. On le doit au respect de nombre d'articles du traité, à l'adaptation de la représentation parlementaire écossaise aux nouvelles réalités démocratiques (le nombre de sièges aux Communes passant de 45 à 72 entre 1707 et 1885), à l'intégration culturelle avec la quasi-disparition du dialecte « scot » et l'éclipse du gaélique qui n'est plus parlé aujourd'hui que par 1,5 p. 100 des habitants. On le doit aussi aux remarquables progrès économiques et sociaux de l'époque de la révolution industrielle et de l'âge victorien. La population de l'Écosse est passée d'environ 1 million d'habitants au temps du traité à 1 600 000 en 1801, à près de 3 millions en 1851, à près de 4 millions et demi au début du xxe siècle, à 5 100 000 au début du xxie siècle ; cela est dû en partie à l'immigration irlandaise, qui représente 7,2 p. 100 de la population en 1851, 4,8 p. 100 en 1891, alors que, de 1861 à 1939, près de la moitié de l'excédent naturel alimente une émigration vers d'autres parties du Royaume-Uni et surtout vers l'Empire : Canada, Australie, Nouvelle-Zélande et Inde notamment. Le mouvement d'émigration concerne encore en moyenne 10 000 individus par an dans les dernières décennies.
Le haut niveau d'alphabétisation, de 85 à 90 p. 100 des habitants dans la première moitié du xixe siècle, la qualité de l'enseignement, en particulier dans les académies fondées au xviiie siècle, celle de professeurs comme Adam Smith et d'inventeurs comme James Watt ont contribué à faire participer largement le pays aux grandes mutations économiques. Glasgow fut à même de bénéficier de la révolution commerciale du siècle des Lumières en devenant le grand port du tabac ; l'exil des jacobites et une relève des propriétaires coïncidèrent heureusement avec la révolution agricole, et, au prix d'évictions scandaleuses de tenanciers, on connut le grand essor de l'élevage du mouton à laine. Le charbon et le fer firent la fortune industrielle de l'Écosse du xixe siècle : elle produisait en 1865 le quart de la fonte britannique, et les chantiers de la Clyde construisaient en 1910 le tiers des nouveaux navires britanniques.
Au début du xxe siècle, la production industrielle de l'Écosse représente le septième de l'anglo-galloise, mais elle est son égale par tête.
L'urbanisation rapide est la conséquence de ces développements : en 1755, quatre villes comptent plus de 10 000 habitants et rassemblent 9 p. 100 de la population ; en 1820, elles sont treize et rassemblent un quart des Écossais. Glasgow passe de 31 000 âmes en 1755 à 200 000 en 1831, et à un million en 1914 où elle est la ville la plus densément peuplée d'Europe.
Comme ailleurs sur le sol britannique, la progression des niveaux de vie est inégale et très lente dans certains cas. L'action organisée des ouvriers est tôt apparue nécessaire. Le grand essor date des années 1880 quand James Keir Hardie fonde la Fédération des mineurs ; le mouvement syndical rassemble 150 000 membres en 1892, et une confédération intersyndicale, le Scottish Trades Union Congress (S.T.U.C.), est créée en 1897. Le socialisme écossais est fondé sur la revendication d'une « justice » conforme aux enseignements bibliques plus que sur des théories philosophiques révolutionnaires.
Les affrontements sociaux et l'évolution des mentalités n'épargnent pas le domaine religieux ; pourtant, la place de la Bible dans l'enseignement continue de marquer les esprits et contribue à éviter un anticléricalisme qu'aurait par ailleurs justifié le patronage laïque dans les paroisses (aboli en 1874). Les protestants connaissent une crise prolongée avec le schisme de 1843 et la fondation d'une Église libre d'Écosse opposée en particulier aux interférences étatiques ; leur réunification intervient en 1929. Pendant ce temps se produit un accroissement important du nombre de catholiques, souvent d'origine irlandaise, qui en viennent à représenter un tiers des Glaswégiens à la fin du xixe siècle.
L'Écosse n'a pas été l'Irlande du nord de la Grande-Bretagne ; selon la formule de Walter Scott, les Écossais « sont patriotes de cœur, mais unionistes de raison ». De brillantes individualités, à commencer par Scott lui-même, mais aussi Robert Burns avant lui et bien des bardes après eux, contribuent à maintenir une culture gaélique. Mais la revendication politique ne s'ensuit pas. En 1853, une association nationale pour la revendication des droits de l'Écosse, dans les années 1880 des allusions publiques à un Home Rule pour l'Écosse, l'inscription de cette revendication dans le programme du premier Parti travailliste, les encouragements de libéraux à cette demande ne débouchent sur rien de concret. Si ce n'est peut-être la décision du gouvernement britannique, en 1885, de nommer un ministre spécial avec le titre de secrétaire pour l'Écosse : il en résulte une dévolution très partielle de pouvoirs qui débouche en 1939 sur l'installation d'un Scottish Office à Édimbourg, sorte de gouvernement local sans contrepoids parlementaire.
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Écrit par
- Edwige CAMP-PIETRAIN : professeure des Universités, université polytechnique des Hauts-de-France
- Roland MARX : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Médias
Autres références
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ADAMSON ROBERT (1821-1848)
- Écrit par Encyclopædia Universalis
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Photographe écossais né en 1821, à Berunside, mort en janvier 1848, à Saint Andrews (Écosse), Robert Adamson collabore avec David Octavius Hill (1802-1870) pour réaliser l'un des plus grands portraits photographiques du xixe siècle.
Jeune chimiste, Robert Adamson ouvre le premier studio...
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ANGUS MAC FERGUS (mort en 761?) roi des Pictes (731-? 761)
- Écrit par Paul QUENTEL
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Angus (Hungus, Oengus, Onuist, Unuist) Mac Fergus, c'est-à-dire fils de Fergus, fut roi des Pictes pendant trente ans, probablement de 731 à 761. Un document fait remonter sa mort à 759, mais plusieurs autres la fixent en 761. Selon certaines sources, son règne fut intermittent. Il eut à livrer bataille...
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BALLIOL ou BAILLEUL JOHN DE (1250 env.-1314) roi d'Écosse (1292-1296)
- Écrit par Paul BENOÎT
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D'une famille originaire de Bailleul (Somme), John Balliol hérite de terres en Écosse, en Angleterre et en France ; de sa mère lui vient le duché de Galloway. En 1290, à la mort de Margaret, la « demoiselle de Norvège », héritière du trône d'Écosse, il est un des treize prétendants à la succession...
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BERWICK ON TWEED
- Écrit par Paul BENOÎT
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Voir aussi
- CULLODEN BATAILLE DE (16 avr. 1746)
- ÉDOUARD Ier (1239-1307) roi d'Angleterre (1272-1307)
- JACQUES Ier (1566-1625) roi d'Angleterre (1603-1625) et roi d'Écosse sous le nom de JACQUES VI (1567-1625)
- BRITANNIQUES ÎLES
- PICTES
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- KENNETH Ier MAC ALPIN (mort en 860) roi des Scots
- SCRUTIN MODES DE
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- ROYAUME-UNI, histoire, de 1945 à nos jours
- HARDIE JAMES KEIR (1856-1915)
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- GRANDE-BRETAGNE, histoire, le Moyen Âge de 1066 à 1485
- GRANDE-BRETAGNE, histoire, les Tudors (1485-1603)
- GRANDE-BRETAGNE, histoire, les Stuarts (1603-1714)
- GRANDE-BRETAGNE, histoire : XVIIIe s.
- GRANDE-BRETAGNE, histoire, de 1945 à nos jours
- SNP (Scottish National Party) ou PARTI NATIONAL ÉCOSSAIS
- SCOTLAND ACT (1998)