ÉCOSYSTÈMES
Le devenir de la matière morte dans les écosystèmes
Dans les écosystèmes terrestres, la part de la production primaire utilisée par les phytophages est souvent assez faible, de l'ordre de quelques pourcents, à l'exception des écosystèmes herbacés fortement pâturés (savanes, prairies d'élevage) où elle peut atteindre 50 p. 100. Dans les systèmes aquatiques, elle est de l'ordre de 40 p. 100. La matière végétale qui n'est pas consommée par les phytophages finit par subir le processus de mortalité. Elle devient alors une source de nourriture pour les détritivores et les décomposeurs, comme le sont les cadavres animaux, les déjections de toutes sortes, etc. Les détritivores, qui sont pour la plupart des arthropodes, et les décomposeurs, qui regroupent les champignons, des bactéries, les actinomycètes, des archées..., tirent leur énergie et les éléments (carbone, azote, etc.) nécessaires à leur développement en dégradant progressivement les molécules organiques constitutives de la matière végétale morte, jusqu'au stade minéral ultime représenté par le dioxyde de carbone, l'ammonium et une multitude de composés minéraux. Ces éléments minéraux sont alors potentiellement assimilables par les plantes et les microorganismes qui les réassocient à des chaînes carbonées au cours de la synthèse des milliers de molécules organiques qui les constituent. La boucle est ainsi bouclée, le grand manège de la vie peut tourner à l'infini pourvu, toutefois, que la source initiale d'énergie, le rayonnement solaire, ne se tarisse pas.
Effectuée pour l'essentiel par les microorganismes du sol et des sédiments, la dégradation de la matière végétale morte est un processus long. En effet, nombre de molécules qui constituent cette matière morte sont complexes et de poids moléculaire élevé. Leur métabolisation demande donc une grande quantité et une grande diversité d'enzymes, dont la synthèse est très coûteuse en énergie. Or les microorganismes, comme tous les autres êtres vivants, ne peuvent fonctionner si leur dépense énergétique est supérieure à leur gain. Ce déséquilibre coût-bénéfice est fréquent chez les microorganismes, d'où leur très faible taux moyen d'activité. De ce fait, la matière organique – qui est à la base de la fertilité chimique des sols et un facteur majeur de leur structuration – s'accumule dans les sols pour une durée de l'ordre de la centaine ou du millier d'années. Dans une perspective environnementale, cette matière organique des sols et des sédiments, y compris océaniques, correspond à un stockage de dioxyde de carbone, gaz dont l'excédent atmosphérique est la cause principale du réchauffement climatique en cours. On cherche donc à augmenter le stock de carbone dans les sols en accroissant la production primaire, par la plantation de forêts par exemple, et on s'inquiète de l'élévation de la température qui devrait stimuler l'activité des microorganismes et donc la dégradation de la matière organique du sol, c'est-à-dire la production de dioxyde de carbone !
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Écrit par
- Luc ABBADIE : professeur d'écologie, Sorbonne université, directeur de l'Institut de la transition Environnementale, Sorbonne université
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