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ÉCRITS (B. Newman) Fiche de lecture

Plus de vingt ans après leur parution aux États-Unis en 1990, les Écrits du peintre Barnett Newman sont enfin publiés en France en 2011. Les éditions Macula et son directeur, Jean Clay, ont souhaité, bien au-delà des seuls écrits, rendre un hommage exhaustif à l' une des personnalités les plus fascinantes de l'école de New York. Ainsi, les textes de l'artiste sont accompagnés d'un appareil critique pléthorique qui double, si ce n'est plus, l'édition originale. On y trouve un nombre impressionnant de commentaires et de notes auxquels s'ajoutent encore quelques articles ainsi que les propos recueillis auprès de Newman par le critique d'art Pierre Schneider au cours d'une visite au Louvre. L'ensemble, y compris la série d'illustrations en couleur, devrait séduire ceux qui connaissent peu ou mal l'œuvre. Pour les autres, une édition des seuls Écrits aurait, sans doute, suffit à combler les inconditionnels d'un créateur hors du commun qui disait : « Je suis le sujet. Je suis aussi le verbe lorsque je peins, mais je suis aussi l'objet. Je suis la phrase complète. »

Personnalité à part de la scène américaine, Barnett Newman (1905-1970), s'il a toujours souhaité être peintre, a également étudié la philosophie, la botanique, l'ornithologie et l'histoire de l'art. Militant pour un humanisme intense et profond, il est fasciné par l'anarchiste russe Pierre Kropotkine, au point d'écrire l'avant-propos des Mémoires d'un révolutionnaire (1968) sous le titre « La vraie révolution est anarchiste », en s'en prenant à tous les dogmatismes. Très attentif à l'état de la société américaine et porté à l'activisme, il se présente en 1933 au poste de maire de New York, avec un texte manifeste : De la nécessité des hommes de culture d'investir le champ politique. À l'évidence, Barnett Newman aime se battre. Il aime aussi écrire. Le ton est très souvent polémique et va droit à l'essentiel, ce qui n'exclut pas des élans d'un lyrisme passionné.

« Vers 1939-1940, Barnett Newman cessa de peindre », écrit Thomas B. Hess. Il ajoute : « mais tout ce qu'il fit à partir de cette période préparait le jour où il se remettrait à peindre. [...] Il commença par déchiffrer objectivement la situation de l'art moderne [...] afin d'ouvrir une voie vers l'avenir ». Ces textes, largement polémiques et parfois contradictoires, attestent toujours du sérieux des recherches entreprises par l'artiste pour comprendre et analyser le passé afin de jeter les bases d'un art américain qui, comme il le souhaite, « devienne le centre artistique du monde ». Parmi ceux-ci, on retiendra « Le premier homme était un artiste » (1947) qui se conclut ainsi : « Quelle est l'explication de cette folie apparente qui pousse l'homme à être peintre ou poète, sinon un geste de défi contre la chute et l'affirmation des retrouvailles avec l'Adam du Jardin d'Eden. » Il se penche également sur la sculpture précolombienne sur pierre et sur les peintures des Indiens de la côte ouest.

Cependant, c'est dans l'analyse des pratiques artistiques américaines de l'époque que Newman se déchaîne. Il s'en prend à la critique toujours insuffisante, « neutre, froide et scientifique » à son goût, et la souhaite « partiale, passionnée et politique », en se référant au Baudelaire des Salons. En ce qui concerne « l'esthétique étouffante de la scène américaine », Newman est d'une virulence rare et fustige un art « isolationniste » qui aboutit purement et simplement à une peinture de genre. Par ailleurs, il ne manque pas une occasion d'écrire aux directeurs des grandes institutions, qu'il s'agisse du Metropolitan Museum, du MoMA ou de la Fondation Barnes qui n'est pas ouverte à[...]

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