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JOHANNIQUES ÉCRITS

La tradition ancienne, attestée déjà par les Pères apologistes (dont le principal témoin est Irénée, auteur de l'Adversus haereses, env. 180), a attribué à l'apôtre Jean, fils de Zébédée et frère de Jacques, le IVe évangile canonique, qui se présente au demeurant comme un ouvrage anonyme. Depuis le xixe siècle, bien des critiques ont voulu retirer à l'Apôtre la paternité de ce document : pour eux le véritable auteur serait soit « Jean le presbytre », soit un auteur inconnu. En fait, le problème exige d'être sérieusement élargi. Le genre de produits littéraires dont relèvent les Évangiles supporte mal la notion moderne d'auteur individuel et signataire. Le jeu spécifique de la pseudonymie, chère aux auteurs du judaïsme ancien, et la conception sociale de l'acte d'écriture invitent à considérer davantage le IVe Évangile à la fois comme le fruit et comme l'agent d'une tradition et d'une postérité d'inspiration globalement johanniques.

Il en est de même pour l'Apocalypse canonique, dite de saint Jean. Certes, à quatre reprises, l'auteur se désigne lui-même sous le nom de Jean (mais sans jamais se qualifier d'Apôtre), et la tradition chrétienne (dès Justin, dans le Dialogue avec Tryphon, env. 150) a très tôt admis cette désignation comme authentique, en attendant que, au iiie siècle et jusqu'à nos jours, des avis discordants se fassent entendre. Or, l'Apocalypse appartient au genre juif de l'apocalyptique — tout comme d'ailleurs l'Évangile de Matthieu et même celui de Marc (l'Évangile de Luc, plus personnel, est davantage calqué sur une pratique littéraire hellénistique) —, qui désigne comme signataire réel (ou fictif) non pas l'auteur lui-même, individuel ou collectif, mais bien le héros principal du livre : « Livre de l'origine de Jésus-Christ... » (Matthieu, i, 1) ; « Évangile de Jésus-Christ... » (Marc, i, 1) ; « Apocalypse de Jésus-Christ... » (Apocalypse, i, 1). Ce sont là des incipits significatifs qui demandent que l'on articule, pour la mettre en question, la notion, devenue classique, d'auteur avec un concept réellement « biblique » (dans le sens étymologique et historique) de révélation.

Dès les temps les plus anciens, on attribua également à l'apôtre Jean les trois Épîtres canoniques dites de Jean. La première, véritable encyclique, est anonyme, tout comme le IVe Évangile, auquel elle est étonnamment apparentée. La deuxième et la troisième, plus courtes, sont de vraies lettres : l'une est adressée à une Église, l'autre à un certain Gaïus ; de plus, elles ont pour auteur un personnage qui se désigne lui-même comme « l'Ancien ». La problématique concernant l'auteur et qu'on vient de suggérer à propos du IVe Évangile et de l'Apocalypse est à étendre à ces trois Épîtres.

— André PAUL

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