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ÉCRITS SUR L'ART MODERNE, Louis Aragon Fiche de lecture

Écrits sur l'art moderne se présente comme un recueil hétérogène de 51 textes rédigés par l'écrivain Louis Aragon (1897-1982) entre 1918 et 1980. Le titre rétrospectif donné par l'éditeur donne une fausse impression d'unité ; il ne doit pas masquer le fait qu'il s'agit de textes éparpillés réunis pour la première fois. L'intérêt primordial de l'ouvrage est qu'il permet de balayer une grande partie de la production artistique du xxe siècle dont il livre une lecture engagée face aux enjeux politiques de l'époque. À la différence de l'analyse historique d'une pratique artistique proposée par Les Collages (1965, écrits allant de 1923 à 1965 et dont certains ont été repris dans Écrits sur l'art moderne, notamment « La peinture au défi ») ou d'un artiste dans Henri Matisse roman (1971), ces articles de journaux et préfaces de catalogues d'exposition appartiennent au genre de la critique d'art. Aragon s'était déjà passionné pour la peinture comme en témoignent deux ouvrages : Louis Aragon-Jean Cocteau. Entretiens sur le musée de Dresde, éd. Cercle d'art, 1957 et La Semaine sainte, 1958, roman inspiré par le peintre Théodore Géricault. Observateur et acteur des événements majeurs du xxe siècle, Aragon s'intéresse à certains artistes qui lui sont contemporains et privilégie le jugement personnel pour analyser leurs œuvres. Mais, très vite, il conçoit la critique d'art comme devant se placer au service de la politique et en particulier au service du discours du Parti communiste. Écrits sur l'art moderne s'articule autour de trois pôles, le collage, le réalisme et les écrits poétiques sur l'art.

Le collage comme défi à la peinture

Aragon, qui a été l'un des premiers théoriciens du collage, consacre à cette notion ses premiers textes de critique d'art. Cette pratique devient ainsi le pivot de son analyse de la modernité dans la création artistique. En 1926, il consacre un texte au maître de l'illusion et de l'erreur : Max Ernst. Contrairement aux cubistes, qui utilisaient des papiers de couleur dans une optique chromatique, pour Ernst le papier collé doit suppléer au dessin. Il privilégie donc les dessins imprimés, les illustrations des journaux ou des dictionnaires ou encore les photographies. Ces nouveaux moyens visuels produisent un effet analogue à celui de l'image poétique. Magicien du merveilleux, « il détourne chaque objet de son sens pour l'éveiller à une réalité nouvelle ». Quelques années plus tard, en 1930, pour le catalogue d'une exposition de collages à la galerie Goemans, Aragon rédige un texte à valeur de manifeste : « La Peinture au défi ». C'est grâce au collage que Max Ernst parvient à faire surgir le merveilleux de la réalité. La contradiction dialectique entre merveilleux et réalité constitue le moteur de son écriture : « Le merveilleux est toujours la matérialisation d'un symbole moral en opposition violente avec la morale du monde au milieu duquel il surgit. » À cette vision du collage, Aragon superpose une lecture politique : le « pauvre » collage, contrairement à la « luxueuse » peinture, permettrait de s'affranchir de la « domestication par l'argent ».

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