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PROLÉTAIRES ÉCRIVAINS SCANDINAVES dits

L'inspiration suédoise : vitalisme et solidarité

La Suède a ouvert le mouvement avant la Première Guerre mondiale avec une bonne demi-douzaine d'écrivains dont nous retiendrons deux noms : celui de Martin Koch (1882-1940), d'abord, peintre en bâtiment puis journaliste, qui retrace, dans Ellen (1911), l'histoire pathétique de sa fiancée, morte de tuberculose. La vie des ouvriers d'une banlieue de Stockholm, avec leurs grèves et leurs briseurs de grèves, fait l'objet d'un roman dont le titre résume le propos : Ouvriers, livre de haine (1912), tandis que Le Beau Monde de Dieu (1916) relate, sur le mode naturaliste et avec une passion intense, l'histoire d'une famille de prolétaires qu'endeuille le crime. Très différent, Dan Andersson (1888-1920), charbonnier de Dalécarlie, musicien, violoneux, instituteur populaire et rêveur vagabond conte sa vie bohème dans ses Histoires de charbonnier (1914), puis chante ses errances, les forêts de son Finnmark et de Dalécarlie dans de nombreux recueils de poèmes, comme Ballades noires (1917). Lui aussi prêche l'évangile de la nature, de la camaraderie du travail, des opprimés et des sans-logis : « Va vers ceux qui sont les plus pauvres ici-bas et, si tu ne peux rien leur donner, partage leur souffrance. Heureux, le frère des incurables, des tarés, des contrefaits et des dépourvus, car ils le combleront d'amour. » La galerie de ses personnages, vivants, croqués avec tendresse et humour, reste attachante par une invincible aspiration vers la lumière, à travers le désespoir de vivre.

Cette veine allait, en conjonction avec l'irrésistible montée de la social-démocratie, trouver, à partir des années 1930, des zélateurs de qualité que récompensera tardivement le prix Nobel, en 1974 : Eyvind  Johnson et Harry Martinson, auxquels on adjoindra quelques autres représentants de premier ordre.

Eyvind Johnson (1900-1976), esprit original et porté vers toutes les formes d'expérimentation, fut flotteur de bois, comme il le raconte dans Le Roman d'Olof (1934-1937) : il y exalte la promotion individuelle, la camaraderie, la découverte de l'amour, dans un langage neuf qui a assimilé les enseignements de Freud, et pratique volontiers le monologue intérieur à la Joyce. Bobinak (1931) fait la critique violente de la culture capitaliste. Les trois volumes de Krilon (1941-1943) amorcent une vaste méditation sur la guerre et sur les valeurs de culture que Brisants sur les grèves (1946) veulent retrouver chez Homère. Nuages sur Metapontion (1957), roman conçu, comme toute sa production, comme « une expérimentation de la vie et de la façon d'exprimer les ténèbres de la vie et l'éclat de la vie », est une ample réflexion sur la condition humaine menacée, de toujours, dans son incoercible rêve d'amour, de sécurité et de liberté. Cette œuvre altière et grave, d'une lecture extrêmement attachante, dépasse de loin ses ancrages anecdotiques et, à elle seule, suffirait à démontrer la vitalité de ce type d'expérience.

On pourrait en dire autant de Harry Martinson (1904-1978), enfant misérable, confié aux soins de sa paroisse, que la poésie a sauvé de toutes les angoisses, comme il le note dans Les orties fleurissent (1935). D'abord marin, il contracte la tuberculose. Il note ses impressions de voyages dans Nomade (1931), Voyages sans but (1932) et Le Cap de Bonne-Espérance (1933). Il y expose ses théories du « nomadisme mondial », en images que son génie visuel dote d'un pouvoir de suggestion saisissant : « Une étoile se balance au sommet d'un brin d'herbe, une sauterelle se frotte les élytres sur le brin d'herbe à côté, et une lointaine étoile se reflète encore distinctement dans l'un des yeux verts proéminents de la sauterelle. » La générosité de cette inspiration, sa tendresse, sa compassion pour les déshérités du monde entier s'allient[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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