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PROLÉTAIRES ÉCRIVAINS SCANDINAVES dits

Norvège et Danemark : l'écriture militante

Cette vitalité ne pouvait laisser indifférente la Norvège – où, au demeurant, une tendance « travailliste » avait déjà suscité, vers 1910, les œuvres de Kristofer Uppdal et de Johan Falkberget. La tendance prolétaire prendra, ici, une coloration plus nettement politique, la condition ouvrière et l'industrialisation ayant suscité plus de difficultés en Norvège que dans les pays voisins. Sous l'impulsion de son énergique rédacteur en chef, Erling Falk, la revue marxiste Mot Dag va lancer quelques écrivains de premier ordre qui, tous lecteurs de Freud également, délaisseront la peinture de la nature et du milieu pour aborder de front les problèmes sociaux et psychologiques nés de l'actualité. L'art, pour eux, n'est qu'un moyen. Ils exigent un engagement politique franc, qui sera antinazi avec la conjoncture, notamment, et luttent contre une tradition jugée pernicieuse. Ainsi, le poète Arnulf Øverland (1889-1968), autodidacte puissant, exorcise-t-il dans La Fête solitaire (1911) la solitude, l'angoisse et la mélancolie pour célébrer le communisme et ses mots d'ordre (Pain et Vin, 1919 ; La Montagne bleue, 1927) et défendre un « athéisme religieux » qui fait souvent penser au Suédois Lagerkvist. Héros de la lutte contre le nazisme, déporté à Sachshausen, il en reviendra en 1945 pour devenir une sorte de poète national dans Nous survivons à tout (1945), qui vaut par le resserrement et l'énergie d'une écriture conçue, en soi, comme un acte de foi.

Le paysan Sigurd Hoel (1890-1960), journaliste et critique qui jouera un rôle de premier plan dans le développement de la vie intellectuelle dans son pays, est d'une autre veine. Ses romans, sur le ton de la causerie, dépeignent les difficultés de la jeunesse (Pécheurs au soleil d'été, 1927) avant de sacrifier à la psychanalyse (Quinze Jours avant les gelées, 1934). Le nazisme lui dicte son chef-d'œuvre, Rendez-vous à la borne milliaire (1947), qui brode puissamment sur le thème de la responsabilité collective, tandis que des ouvrages semi-autobiographiques, comme Patrimoine d'acier (1941), exaltent le savoir et la lucidité, seuls capables de libérer l'homme. Les éclatantes réussites de la littérature norvégienne actuelle doivent beaucoup à cette œuvre diverse, courageuse et plaisante à lire parce que pimentée d'un humour très fin.

Les œuvres poétique d'Øverland et romanesque de Hoel trouvent leur pendant théâtral dans les drames de Helge Krog (1889-1962), qui défend le féminisme et la lutte des classes dans de sévères pièces (Du côté du soleil, 1927 ; Le Coquillage, 1929), ou va jusqu'à prêcher le retour à un matriarcat antique avec En route (1936), qui fit scandale. Son chef-d'œuvre, Départ (1936), aura beaucoup fait pour la montée de la social-démocratie, alors que les romans policiers de haute tenue littéraire du Dano-Norvégien Aksel Sandemose (1899-1965), comme Un marin débarque (1931) ou Un fuyard recoupe ses traces (1933), tout en mêlant psychanalyse (comment expliquer un crime par un retour à la psychologie des profondeurs d'une enfance) et politique, cherchent subtilement le moteur de nos pulsions secrètes plus ou moins inavouables dans les tares d'une société qui ne parvient pas à s'affranchir de ses contraintes ancestrales.

Le Danemark, plus européen comme toujours, avait fait sa percée marxiste avec des revues comme Clarté et la Revue critique (1926-1928). Le romancier Hans Kirk (1898-1962) nous a laissé au moins un chef-d'œuvre, Les Pêcheurs (1928), où une collectivité tente de se fonder sur les impératifs marxistes. L'œuvre, qu'éclaire l'émouvante autobiographieJeu d'ombres (1953), serait datée si la science de la composition en contrepoint et le sens de la communauté vivante ne[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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