EDDAS (anonyme) Fiche de lecture
Ces deux recueils islandais du xiiie siècle, l'un poétique, l'autre dit « en prose », nous donnent, dans une forme hautement élaborée, la majorité des textes sur lesquels nous nous fondons pour connaître la mythologie des anciens Scandinaves. Ils comptent parmi les fleurons de nos lettres médiévales occidentales.
L'Edda poétique : un creuset de légendes
On appelle Edda poétique (ce terme admet diverses étymologies, la plus probable renvoyant à l'idée de composer de la poésie) un recueil d'une trentaine de poèmes rédigés selon les règles contraignantes de la poétique scaldique (poésie scandinave), dus à des Islandais mais certainement fondés sur des assises norvégiennes, danoises et pangermaniques. Ces textes rapportent les hauts faits ou les mythes concernant les dieux (Odinn dans les Havamal ou les Grimnismal, Thor avec la Thrymskvida et la Hymiskvida, Freyr dans la Skirnisför, Freyja avec le Hyndluljod) et les héros (surtout Sigurdr [Siegfried] meurtrier du dragon Fafnir, dont l'histoire épique et surtout les amours malheureuses nous sont contées à loisir). L'ensemble est dominé par le grand poème éthique des Vikings, les Havamal, qui propose une vision morale, probablement conforme aux normes du monde scandinave de l'époque, et surtout la Völuspa, prodigieux poème visionnaire, qui rapporte en images dantesques l'histoire mythique du monde, des dieux et des hommes depuis les origines titanesques jusqu'aux Ragnarök, le Crépuscule-du-Destin-des-Puissances-Suprêmes : « Alors, des tourbillons de neige tomberont de toutes les aires du vent. Il y aura froid rude et vents mordants, et le soleil ne luira point. Il y aura trois hivers à la file, et pas d'été entre-temps. Mais d'abord viendront les trois autres hivers où il y aura grandes batailles dans le monde entier. »
L'âge et les origines exactes de ces grands textes demeurent inconnus, certains pouvant remonter au viie siècle, d'autres ayant été consignés dans la forme que nous leur connaissons au xiie siècle : le manuscrit, dit Codex Regius, que nous possédons, a vu le jour au xiiie siècle. Il est aujourd'hui conservé à la Bibliothèque royale de Copenhague.
L'esprit de ces poèmes dresse les hommes ainsi que les dieux face à un destin qu'il leur appartient de connaître, puis d'accepter et enfin d'assumer volontairement. Leur honneur, valeur suprême, est à ce prix. Ils ne témoignent pas, contrairement à une erreur commune, d'un exercice de la force martiale mais bien d'une incessante quête de savoir à laquelle ils emploient tout leur dynamisme, ce qui revient à dire, d'une part que l'énergie est le maître mot de cette vision du monde et de l'homme, d'autre part que la magie est la coloration majeure de leurs faits et gestes. Si les façons de les interpréter peuvent varier, les Eddas demeurent un prodigieux corpus dont la métrique particulièrement savante est l'une des plus sophistiquées qu'ait jamais conçue l'Occident.
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Écrit par
- Régis BOYER : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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