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EDDAS

Auteurs, dates et lieux de composition

Rien n'est plus malaisé que de décider de la provenance de ces textes. En principe, il faudrait envisager chacun à part. Malgré les progrès de la paléographie, de l'archéologie, les comparaisons utiles à faire avec les œuvres de certains scaldes, la critique interne et l'histoire, il suffira ici de dire que les spécialistes ne parviennent même pas à s'accorder sur un moyen terme. Tout ce qu'on peut avancer, c'est que certains poèmes peuvent remonter au viie siècle, comme les Hamdismál, d'autres, comme la Thrymskvida ou la Hymiskvida, datant du xiiie ou même du xive siècle. Les Fjölvinnsmál pourraient être plus récents encore. Le fait que, dans la forme où nous les connaissons, ils aient été rédigés à l'époque chrétienne ne peut que compliquer les investigations. Tous les auteurs sont inconnus, à l'exception de celui de la Thrymskvida, laquelle pourrait avoir été composée, ou refaite, par Snorri Sturluson, mais il ne peut être question de considérer ces œuvres comme le fruit d'une inspiration populaire indifférenciée : chacun de ces textes porte la marque d'une personnalité originale. Nous savons, grâce aux scaldes, que les Hamdismál existaient déjà vers 850, et les Hávamál avant 960 ; quant à la Völuspá, on s'accorde à la dater d'environ 1000. Là s'arrêtent nos « certitudes ».

Même indétermination en ce qui concerne les lieux de provenance de ces poèmes. Islandais et Norvégiens en revendiquent à l'envi la paternité. Une tradition difficile à vérifier voudrait que l' Atlakvida et les Atlamál fussent groenlandais. La Völuspá paraît bien être islandaise. La Rígsthula doit être pangermanique, ainsi que la Völundarkvida, et le Tryggdamál est probablement norvégien. Pour le reste, on ne saurait rien dire de plus, d'autant que – l'iconographie et les inscriptions runiques en témoignent – le « genre » eddique a fleuri dans toute l'Europe du Nord, y compris la Grande-Bretagne. Au demeurant, cette querelle est vaine, et il convient de se rallier à la position de synthèse qui fait provenir ces œuvres du vieux fonds germanique ancien, quitte à les avoir « scandinavisées » au cours des siècles, comme l'atteste le cycle de Sigurdr-Siegfried dédoublé dans le Nibelungenlied.

Car, si les poèmes des Eddas sont un irremplaçable document sur l'histoire religieuse, la mythologie et l'éthique germaniques, il faut préciser qu'il s'agit de la Germanie du Sud aussi bien que de celle du Nord – certains motifs des Grimnismál se trouvent également dans l'Histoire des Lombards de Paul Diacre –, et, quand bien même on tiendrait pour spécifiquement nordiques les poèmes mythologiques, les poèmes épiques et héroïques valent pour toute la Germania, avec, si l'on veut, une coloration plus particulièrement gotique dans l'Atlakvida, les Hamdismál et la Hlödskvida, burgonde dans le cycle de Sigurdr-Gunnarr-Gudrún. Mais le Skirnisför appartient à une indubitable tradition indo-européenne qui dépasse le monde germanique lui-même, et la Völuspá trouve des échos jusque dans les strophes oniriques de la Sturlunga saga, écrite vers 1300, et dans les visions de moniales comme Hildegarde de Bingen au xiie siècle. Mieux vaut donc dire que, compte tenu des inévitables influences chrétiennes, visibles en particulier dans la Völuspá et les Sigrdrifumál, l'ensemble des poèmes eddiques tire son originalité de ce qu'il traduit une mentalité pangermanique.

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Écrit par

  • : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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