EDDAS
Les principaux textes
On ne retiendra ici que les poèmes les plus importants, en conservant la division traditionnelle en poèmes mythologiques et poèmes héroïques ou épiques.
Les poèmes mythologiques
Il est possible de les classer en fonction du dieu dont ils traitent. Concernent Ódinn (Odin) : les Hávamál (Dits du Très-Haut), les Vafthrudnísmál (Dits de Vafthrudnir) et les Grimnismál (Dits de Grimnir). Thórr (Thor) est le héros du Hárbardsljód (Lai de Hárbardr), de la Hymiskvida (Chant de Hymir), de la Thrymskvida (Chant de Thrymr) et des Alvíssmál (Dits d'Alvíss) ; Loki, celui de la Lokasenna (Invectives de Loki) ; Freyr, du Skirnisför (L'Expédition de Skirnir) ; Baldr, des Baldrsdraumar (Rêves de Baldr) ; Freyja, du Hyndluljód (Lai de Hyndla) ; Heimdallr, de la Rígsthula (Chant de Rígr). D'un point de vue littéraire, les Hávamál, les Vafthrudnismál, les Grimnismál et les Alvíssmál sont des poèmes gnomiques ; la Hymiskvida, la Thrymskvida, le Skirnisför et le Grógaldr (Incantation de Gróa) sont de caractère plus épique : la Lokasenna et le Hárbardsljód sont plus satiriques ; le Gróttasöngr (Chanson de Grótti) a un accent magique. Beaucoup de ces œuvres s'inspirent plus ou moins du genre très célèbre au Moyen Âge de la joute ou jeu parti (ainsi, surtout, les Vafthrudnismál, les Alvíssmál et les Énigmes de Gestumblindi).
On retiendra plus spécialement ici quatre réussites :
La Rígsthula d'abord, écrite pour justifier une conception tripartite de la société (esclaves, hommes libres, roi) en lui donnant une origine divine : c'est le dieu Rígr-Heimdallr lui-même qui institue cet état de choses. Cette œuvre étrange ne dédaigne pas un humour dru, assez rare. Voici le portrait de la serve :
Arriva à l'enclos une fille Dégingandée, jambes arquées. Avait de la fange à la plante des pieds, Les bras brûlés de soleil, Le nez busqué. Déclara se nommer Serve.
Bien différent sont les Grimnismál, poème initiatique et assez obscur où Ódinn explique comment il acquit la science suprême après huit nuits d'épreuves par le feu : listes de noms sacrés, secrets magiques, images ésotériques y alternent avec de beaux symboles cosmiques que rassemblent les grands thèmes de l'eau et du feu.
Mais les joyaux incontestés des Eddas sont les Hávamál et la Völuspá. Le premier de ces poèmes est une œuvre composite, remaniée à diverses époques et qui évoque même de façon assez troublante les livres sapientiaux de la Bible. S'y expriment toute la philosophie de la vie et l'éthique des anciens Scandinaves, des Vikings surtout. Fortement enraciné dans la terre et dans la vie présente, dépourvu de toute perspective héroïque, volontiers cynique, égoïste, méfiant :
C'est le soir qu'il faut louer le jour, La femme, quand elle est brûlée, L'épée, quand on l'a éprouvée, La vierge, quand elle est mariée, La glace, quand on l'a traversée, La bière, quand elle est bue.
pot-pourri de proverbes et de dictons de l'époque, l'ensemble est une œuvre sans grande foi ni loi, qui met l'accent sur l'homme seul, l'individu. Document inappréciable par sa bonhomie, son bon sens réaliste, son talent d'observation sans complaisance et son art de la formule lapidaire :
Petits sont les esprits des hommes, [...] Discorde entre les hommes Cela sera toujours, [...] Chez soi, chacun est maître.
Mais ce qu'il pourrait avoir de plat ou de mesquin se trouve racheté par un sens profond de la réputation qui est chose à conquérir :
Meurent les biens, Meurent les parents, Et toi, tu mourras de même ; Mais la réputation Ne meurt jamais, Celle que bonne l'on s'est acquise,
par de splendides éclaircies sur l'exaltation de l'amitié :
Dépérit le jeune pin Qui se dresse en[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Régis BOYER : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne
Classification
Autres références
-
EDDAS (anonyme) - Fiche de lecture
- Écrit par Régis BOYER
- 849 mots
Ces deux recueils islandais du xiiie siècle, l'un poétique, l'autre dit « en prose », nous donnent, dans une forme hautement élaborée, la majorité des textes sur lesquels nous nous fondons pour connaître la mythologie des anciens Scandinaves. Ils comptent parmi les fleurons de nos lettres médiévales...
-
BRÜNHILD, BRÜNNHILDE ou BRYNHILDR
- Écrit par Encyclopædia Universalis
- 300 mots
Princesse guerrière à la grande beauté, héroïne de la littérature épique germanique du Moyen Âge et apparaissant dans d'anciennes sources noroises et nordiques (chants de l'Edda, saga islandaise des Völsungar) et, en allemand, dans le Nibelungenlied (début du xiiie siècle ; ...
-
FREYJA
- Écrit par Régis BOYER
- 1 087 mots
Dans la mythologie du Nord, la déesse Freyja occupe une place centrale, mais il est difficile de cerner exactement sa personnalité : son caractère licencieux explique que les commentateurs du Moyen Âge, qui constituent nos sources principales et qui étaient chrétiens, se soient montrés discrets....
-
GRUNDTVIG NICOLAI FREDERIK SEVERIN (1783-1872)
- Écrit par Frederik Julius BILLESKOV-JANSEN
- 2 018 mots
...interprète et transforme les mythes dans un esprit philosophique, comme l'avaient fait Platon et surtout Plotin, et voit dans les célèbres poèmes de l' Edda un drame universel. L'absolu s'y appelle Alfader (Allfadir, le Père universel). De la matière inerte proviennent les divinités mauvaises, les géants... -
ISLANDE
- Écrit par Régis BOYER , Maurice CARREZ , Encyclopædia Universalis , Édouard KAMINSKI , Lucien MUSSET et Claude NORDMANN
- 16 397 mots
- 12 médias
Pendant deux siècles, toute l'Islande s'est mise à écrire sur tous les sujets en usage à l'époque et, en ce qui concerne les textes eddiques et scaldiques en particulier, il est presque impossible, dans la plupart des cas, de décider s'ils ont été fidèlement retranscrits selon une tradition orale... - Afficher les 14 références