BARCLAY EDDIE (1921-2005)
Le 18 mai 2005 ont été célébrées en l'église Saint-Germain-des-Prés, à Paris, de joyeuses funérailles, animées par le swingNew Orleans des Haricots rouges, formation des années 1960 ressuscitée pour l'occasion. Ainsi l'avait voulu pour lui-même le plus célèbre des producteurs français de disques, Eddie Barclay. « Que la fête continue », avait prévenu son autobiographie publiée en 1988.
Édouard Ruault naît à Paris le 26 janvier 1921. Son parcours scolaire est médiocre, mais l'adolescent se passionne pour la chanson, le cinéma américain et le jazz. Impressionné par Art Tatum et Fats Waller, qu'il écoute à la radio, il tente de reproduire leur jeu et apprend ainsi le piano en total autodidacte. Le pianiste est suffisamment aguerri pour se faire engager au club L'Étape, rue Godot-de-Mauroy, à Paris, où il alterne avec une future star de l'écran, Louis de Funès. Il fréquente assidûment le Hot Club de France, où officient Django Reinhardt et Stéphane Grappelli. En 1939, avec quelques amis – parmi lesquels Henri Salvador –, il improvise un premier orchestre. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il créé un club où, malgré les décrets de l'occupant, on écoute du jazz.
À la Libération, il se met à la mode américaine : adoptant un look à la Clark Gable, il devient Eddie Barclay. Il écrit des chansons (Tire, tire l'aiguille, La Valse des Lilas, L'Enfant de la balle...), collabore pour quelques autres avec son ami Boris Vian (Le Rock de Monsieur Failair) et Charles Aznavour (Quand tu m'embrasses). Nuits blanches et musique dévorent sa vie. Il lance en 1949 un premier label – Blue Star, qui deviendra en 1950 Barclay's Records –, à l'origine exclusivement dédié au jazz ; à son catalogue figureront des noms aussi prestigieux que ceux de Stéphane Grappelli, Django Reinhardt, Lionel Hampton, Sidney Bechet ou Chet Baker. Il aide Vian à lancer Jazz Magazine. Il connaît aussi ses premières réussites dans la chanson avec Renée Lebas et Eddie Constantine. En 1951, il crée la Compagnie phonographique française, qui deviendra en importance la première société de production française.
Eddie Barclay est le premier à comprendre l'importance du microsillon, qu'il découvre lors d'un voyage aux États-Unis en 1952, et à en commercialiser en France les deux formats (33-tours et 45-tours). Dans ses bagages il ramène aussi un contrat avec la maison de disques Mercury qui lui permet de diffuser Dizzy Gillespie, Duke Ellington, Sammy Davis Jr. et Ray Charles. La chanson française est alors en plein essor grâce à de fortes personnalités comme Bruno Coquatrix – qui transforme un vieux cinéma, L'Olympia, en salle de spectacle – et Lucien Morisse, maître des programmes musicaux de la plus grande radio de l'époque, Europe no 1. Redoutable homme d'affaires mais aussi étonnant dénicheur de talents, Eddie Barclay propose dans ses studios de l'avenue Hoche des conditions d'enregistrement exceptionnelles, avec Quincy Jones à la tête de l'orchestre maison. Pendant plus d'une décennie il va collectionner les succès auprès du plus vaste public avec Dalida, Charles Aznavour, Jacques Brel, Henri Salvador, Juliette Gréco, Jean Ferrat, Claude Nougaro, Cora Vaucaire, Mireille Mathieu, Hugues Aufray, Michel Delpech, Nicoletta, Melina Mercouri, Brigitte Bardot... Cette dernière le parraine sur la côte varoise, et il ne tarde guère à devenir un acteur essentiel des nuits tropéziennes. Les fêtes brillantes qu'il donne dans le cadre de rêve de sa villa du cap Camarat, près de Ramatuelle, ainsi que ses innombrables conquêtes féminines – neuf mariages ! – font la joie des paparazzi. Mais le grand professionnel reste toujours sur la brèche. Il ne se laisse surprendre ni par les vagues yé-yé, twist et rock'n'roll (Sylvie Vartan, Françoise[...]
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Écrit par
- Pierre BRETON : musicographe
Classification
Média
Autres références
-
ARRANGEURS DE LA CHANSON FRANÇAISE
- Écrit par Serge ELHAÏK
- 7 929 mots
- 3 médias
...pseudonyme de Franck Aussman. À partir de 1960 et durant une décennie, c’est lui qui arrange et accompagne les titres de Léo Ferré, désormais artiste du label d’Eddie Barclay. Ce dernier ne regardant jamais à la dépense pour les séances d’enregistrement, quel que soit le nombre de musiciens et de choristes, Jean-Michel...