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EDGE CITY

Expression d'origine nord-américaine composée du terme anglais edge, qui signifie « bord », et de city, l’edgecity (ou « ville-lisère ») désigne une ville de banlieue qui se développe grâce à des fonctions de commandement traditionnellement assimilées au centre-ville, et plus particulièrement au Central Business District (CBD) pour les villes nord-américaines. Née aux États-Unis, même si depuis le phénomène a été observé dans d’autres pays, l’edgecity a été définie par le chercheur et journaliste américain Joel Garreau, dans son ouvrage Edge City, Life on the New Frontier(1991). Loin d'être une excroissance de la ville centre qui serait en état de saturation, l’edgecity est au contraire en concurrence directe avec le centre-ville traditionnel et se développe souvent indépendamment de celui-ci, si ce n'est à ses dépens. Situées à proximité de grands carrefours autoroutiers qui structurent la banlieue, les edgecities apparaissent et s’affirment dans les années 1990-2000, et sont directement liées à la crise des centres-villes nord-américains, qui s'est engagée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

L'avènement (dans les années 1930) et la généralisation (à partir des années 1950-1960) de la voiture individuelle, couplés à l'arrivée massive des populations noires au cœur des villes, ont entraîné l’exode des classes moyennes blanches vers les périphéries, déclenchant un étalement urbain (urbansprawl) sans précédent, bercé par le mythe de la maison individuelle et du jardin qui l’entoure. La suburbia, plutôt riche et prospère, s’est ainsi étendue parallèlement à la paupérisation de l’inner city, ces quartiers centraux développés entre le xixe siècle et la Seconde Guerre mondiale, qui se sont progressivement transformés en ghettos noirs (le quartier de Harlem à New York en était le meilleur exemple avant sa gentrification au début des années 2000).

La crise fiscale des villes centres qui en a résulté, allant jusqu'à la banqueroute (Philadelphie puis Washington, par exemple, au début des années 1990), a fait réagir dès les années 1970 les milieux économiques du CBD traditionnel qui ont soutenu les grandes opérations spectaculaires de renouveau urbain (l’urbanrenewal) lancées par les municipalités : destruction de quartiers pauvres, édification de tours et de complexes signés par de grands architectes ; puis, à partir des années 1990, mise en tourisme des quartiers centraux, notamment coloniaux et portuaires, une politique urbaine censée redorer l'image d'un centre-ville en perdition et y faire revenir une partie de la richesse. Toutefois, ce centre-ville traditionnel rénové demeure souvent un espace économique isolé au centre d’une innercity paupérisée, boudé par les populations blanches car considéré comme peu sûr et éloigné de leur lieu de vie.

C'est dans ce contexte qu’apparaissent les edgecities : pourquoi, en effet, ne pas déplacer en banlieue, là où les terrains sont moins chers et plus accessibles, l’activité économique traditionnellement confinée dans le CBD ? La plupart des fonctions commerciales avaient déjà suivi leur clientèle dès les années 1970, les malls – vastes centres commerciaux de banlieue (Tysons Corner dans la banlieue de Washington, Bloomington à Minneapolis) – privant le centre-ville d’un rôle majeur, qu’il assurait traditionnellement à l'échelle métropolitaine. Mais, à partir des années 1990, ce sont toutes les activités tertiaires qui colonisent certains espaces de la suburbia, faisant émerger de nouveaux pôles de centralité, qui recomposent l'organisation de toute la zone urbaine, puisque, dès lors, la banlieue n’est plus un espace exclusivement résidentiel.

En 1991, Joel Garreau identifiait déjà plus de deux cents edgecities existantes ou en cours[...]

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