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ÉDIT, droit romain

Au sens premier du terme, l'édit (edictum) est une déclaration solennelle, une proclamation (ex-dicere). Les magistrats romains avaient, à raison de leur pouvoir (potestas), le droit de promulguer des édits dont ils assuraient l'observation. L'édit le plus important du point de vue juridique est celui que prenait, à leur entrée en fonctions, les magistrats chargés à Rome de la juridiction, les préteurs (un préteur urbain et un préteur pérégrin, ce dernier ayant compétence lorsqu'un étranger était partie au procès). Les édiles curules, chargés de la police des marchés — ce qui leur donnait compétence pour réglementer les ventes —, et les gouverneurs de province, pour le territoire soumis à leur autorité, ont également donné des édits de portée juridique. L'édit du préteur urbain — et les choses sont analogues pour les édits des autres magistrats exerçant une juridiction — contenait une série de dispositions indiquant dans quelles conditions le préteur accorderait une action en justice et joignait à cette promesse la formule de l'action envisagée. Il appartenait au préteur d'indiquer les actions qu'il était ainsi disposé à accorder, et l'édit n'était valable que pendant la durée de ses fonctions, soit une année. Il s'agissait donc là de mesures de nature très précaire, mais, en fait, les préteurs successifs reprenaient plus souvent dans leurs édits les actions promises par leurs prédécesseurs, se contentant d'y ajouter parfois des promesses d'actions nouvelles en fonction de situations et de besoins nouveaux. Ainsi les dispositions édictales présentaient une assez grande stabilité ; le magistrat pouvait d'ailleurs, en cours de charge, publier de nouveaux édits pour faire face à des exigences nouvelles. Pendant longtemps, les magistrats n'étaient pas tenus eux-mêmes par les promesses qu'ils avaient faites dans leur édit : il pouvait donc arriver qu'un plaideur ne puisse obtenir l'action prévue dans l'édit et sur laquelle il comptait — c'est l'un des griefs que fait Cicéron au gouverneur de Sicile, Verrès ; une loi Cornelia (~ 67) vint limiter, dans une mesure difficile à préciser, cette possibilité d'arbitraire.

Promettant au plaideur une action en justice pour faire reconnaître et protéger sa situation, l'édit créait par là même un droit : droit d'obtenir une action et, au-delà, droit correspondant à la situation que le préteur protégeait. C'est ainsi que l'édit, recueil de promesses d'actions, fut, entre le ~ iie siècle et le iie siècle, l'un des principaux moyens de création du droit romain. Au début du iie siècle, l'édit prétorien ne se modifiant plus guère fit l'objet d'un travail de fixation et de mise en ordre qu'assuma le jurisconsulte Salvius Julien.

Si quelques fragments d'édit nous ont été conservés par les sources juridiques et littéraires, nous ne possédons pas l'édit dans sa totalité. Mais on a, par le Digeste, de très importants passages de commentaires de juristes romains sur l'édit (Libri ad edictum). Partant de ces commentaires, le romaniste allemand Otto Lenel a pu proposer une reconstitution de l'édit prétorien (Das edictum perpetuum, 1re éd., Leipzig, 1883 ; 3e éd., 1927 ; trad. franç. de la 2e éd. par Pelletier, 1901-1903).

— Jean GAUDEMET

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Écrit par

  • : professeur à la faculté de droit et des sciences économiques de Paris, directeur d'études à l'École pratique des hautes études

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Autres références

  • ROMAIN DROIT

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    • 6 341 mots
    ...pérégrin (et, dans le domaine plus limité de la vente, les édiles) à Rome, les gouverneurs dans les provinces. Les uns comme les autres indiquaient par un édit promulgué à leur entrée en fonctions les cas dans lesquels ils accorderaient une action en justice, c'est-à-dire les situations qui leur paraissaient...