WHARTON EDITH (1862-1937)
Le désir de liberté
Les romans écrits par Edith Wharton pendant et après la guerre présentent, peut-être bien à la suite de son aventure avec Morton Fullerton, une différence nettement perceptible : le thème du désir de liberté comme moyen d'atteindre la plénitude de la vie y est remplacé par la peinture de l'obtention de cette vie pleine. Cependant, ce qui permet ici d'atteindre une conscience plus élevée est le renoncement à l'expérience vécue elle-même (ou à la liberté) en tant que fin en soi. Désormais, c'est la perception de considérations morales qui détermine en fin de compte la forme que prend l'expérience de la vie, ainsi que la conscience elle-même. Dans Été (1917), récit du passage d'une jeune femme de l'adolescence à la maturité dans l'amour, le désir initial qu'a Charity Royall de l'amour comme expérience complète trouve son accomplissement en Lucius Harney, un jeune étranger en visite dans la petite ville de Nouvelle-Angleterre où elle vit : lorsque Lucius Harney l'abandonne définitivement – alors qu'elle est enceinte de lui –, cela l'amène à renoncer à ce désir et la prépare à accepter l'avocat Royall, son tuteur, comme mari. Dans Au temps de l'innocence, Edith Wharton dépeint un autre type de renoncement : Newland Archer tombe amoureux de l'« étrangère » Ellen Olenska qu'il rencontre quand il est sur le point d'épouser May Welland ; il se trouve éveillé par elle à de nouveaux modes de sentiments et de conscience, alors qu'il s'efforce de la faire accepter par la société aristocratique de New York. En décidant de rentrer en Europe, Ellen Olenska l'aide à reconnaître les impératifs moraux plus élevés qui l'obligent à renoncer à sa passion pour le bien de son mariage. Mais le souvenir de cette passion et de la prise de conscience qui l'a accompagnée survit en lui et crée un niveau de conscience supplémentaire, de sorte que l'expérience de la plénitude est à la fois sublimée et préservée dans ce qui donne finalement forme et signification à l'élément moral de son existence. De cette manière, on peut dire que la mémoire et les sentiments, comme dans beaucoup des autres ouvrages tardifs d'Edith Wharton, s'intensifient et s'enrichissent mutuellement, créant un nouveau mode d'accès à l'expérience de la vie.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Léon CHAI : professeur de littérature anglaise et américaine, University of Illinois, Urbana (États-Unis)
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
Classification