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ÉDITION DES GÉNOMES

Depuis le milieu des années 2010, il est devenu facile de modifier délibérément et précisément, au nucléotide près, telle ou telle région de l’ADN de n’importe quel organisme vivant. Cette technique appelée « édition du génome » (traduction ambiguë mais courante de genomeediting) est une authentique révolution en génétique et, de manière plus générale, en biologie car, rêve ou cauchemar, elle permet la manipulation volontaire des caractéristiques de presque tous les êtres vivants, ouvrant ainsi des perspectives de traitements médicaux et d’évolution artificielle à peine imaginables auparavant.

De nouvelles mutations, outils nécessaires de la génétique

Chercher à introduire des caractères nouveaux dans une espèce n’est pas une idée particulièrement novatrice. De toute antiquité, on a observé les différences entre individus d’une même espèce et on a cherché à comprendre et influencer leur transmission. Sans doute, la première tentative rapportée – sans préjuger de son contenu symbolique – est-elle celle de Jacob triant les moutons blancs des moutons noirs (Genèse XXX, 31-42). Cette quête s’est poursuivie par des croisements raisonnés entre individus choisis, et la sélection des descendants, pratique dans laquelle les Anglais étaient passés maîtres au début du xixe siècle et qui a influencé Charles Darwin. Lors des premières années du xxe siècle, les biologistes cernent progressivement les notions de gène et de mutation : un gène spécifie un caractère morphologique ou physiologique observable ; les différences au sein d’un même caractère sont dues à des mutations, c’est-à-dire à des modifications stables et transmissibles du gène en question. Depuis les travaux de l’Américain Thomas Morgan (1910), on sait placer les gènes qui déterminent les caractères d’un individu sur les chromosomes. La génétique s’est longtemps contentée de l’étude des mutations observées dans la nature, dont peu cependant sont accessibles à l’expérimentation. Le développement de la génétique en a exigé de nouvelles qu’il a donc fallu « fabriquer ».

Hermann Joseph Muller, en 1926, induit des mutations chez la drosophile par irradiation aux rayons X. Quelque vingt ans plus tard, on découvre que le support matériel de l’hérédité est une molécule d’ADN et que les gènes sont donc des fragments de celle-ci (1944). On cherche à intervenir alors directement sur l’ADN du gène, en utilisant surtout des molécules dites mutagènes qui le modifient et (ou) l’endommagent. Les mutations de bactéries, comme Escherichia coli, sont produites au hasard mais, après qu’elles ont été caractérisées, elles deviennent les outils de la biologie moléculaire des années 1960, qui fonde les principes du contrôle de l’activité des gènes. Cependant, si créer des mutations est facile, caractériser leurs effets l’est moins. C’est encore relativement aisé chez des bactéries car elles ne possèdent qu’un seul chromosome, et donc l’effet d’une mutation est immédiatement visible. C’est plus compliqué, plus long et plus coûteux pour les organismes diploïdes qui possèdent deux jeux de chromosomes. En dépit de cette difficulté, des programmes de mutagenèse aléatoire sont lancés pour agir sur ces organismes, d’abord sur le ver nématode Caenorhabditis elegans à partir de 1963, puis sur d’autres organismes modèles dont la levure et même la souris. Des résultats importants seront obtenus, au prix d’un travail qui paraît fastidieux de nos jours.

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