ÉDITION DU GÉNOME HUMAIN
Qu’en pense le public ?
Jusqu’à présent, les opinions publiques n’ont pas eu à se positionner directement, l’édition du génome n’étant pas encore traitée comme une question relevant de la délibération citoyenne. Il se pourrait qu’elle le devienne assez rapidement dans le cadre de la révision imposée des législations bioéthiques sous la forme de conférences ou de jurys citoyens. En attendant, on ne dispose que d’enquêtes d’opinion, là où elles existent, c’est-à-dire aux États-Unis où elles sont conduites sur ce sujet depuis une vingtaine d’années. Robert J. Blendon, Mary T. Gorski et John M. Benson en ont fait une synthèse en 2016. Entre six et neuf Américains sur dix approuveraient l’édition du génome si elle intervenait sur des enfants ou des adultes atteints de maladies génétiques à l’issue létale. La proportion décroît fortement s’il s’agissait de corriger le génome germinal avant la naissance (entre 49 et 26 p. 100 selon les enquêtes) et plus encore si cela était fait en vue de changer l’apparence, les traits physiques ou d’améliorer le quotient intellectuel (QI) de l’enfant à naître (entre 28 et 8 p. 100). Selon la dernière enquête (janvier 2017), le taux d’acceptation de l’édition du génome germinal monte à 65 p. 100 s’il s’agissait d’un objectif thérapeutique et tombe à 26 p. 100 si l’objectif était d’améliorer des traits physiques ou cognitifs (couleur des yeux, QI…). Il semblerait donc que les opinions évoluent dans le sens d’une plus grande tolérance à l’égard de l’édition du génome germinal surtout à des fins médicales mais aussi dans une moindre mesure à des fins d’amélioration humaine, scénario auquel souscrit un Américain sur quatre. Les avis exprimés sont liés au niveau d’information : plus les individus sont informés, plus ils se prononcent en faveur de l’édition germinale.
En France, les informations sont plus lacunaires et aucun élément de comparaison dans le temps n’est disponible. D’après un sondage de l’Institut français d’opinion publique (IFOP) réalisé en mai 2016, seuls 9 p. 100 des Français ont déjà entendu parler de la technique CRISPR-Cas9. Selon un autre sondage effectué en décembre 2017 par le même institut, 80 p. 100 des Français seraient favorables à la « modification génétique des embryons » s’il fallait « guérir les maladies les plus graves avant la naissance » ; 77 p. 100 s’il fallait « corriger une anomalie génétique avant la naissance » ; et 22 p. 100 s’il fallait « améliorer certaines caractéristiques des enfants à naître (obésité, couleur des yeux…) ». Si le niveau de connaissance en génétique n’est pas pris en compte, le niveau général d’éducation n’a aucun effet sur les opinions déclarées sauf en ce qui concerne l’objectif d’amélioration humaine auquel souscrivent davantage les moins diplômés. Il est difficile de dégager un enseignement général d’autant que, sur un tel sujet, les réponses sont fonction de la façon dont les questions sont formulées, les formulations les plus concrètes et imagées (par exemple : « changer les gènes des bébés pas encore nés ») obtenant plus de réponses défavorables dans les enquêtes aux États-Unis. Les opinions sont probablement encore peu fixées et pourraient évoluer dans un proche avenir. Notons que des associations de patients atteints par des maladies génétiquement transmissibles défendent activement l’édition du génome. Selon une enquête de novembre 2016 réalisée pour l’association Genetic Alliance au Royaume-Uni auprès de patients et de proches de patients, plus de neuf personnes sur dix sont favorables à une thérapie par édition du génome pour « corriger un gène fautif sur un adulte », huit sur dix pour « corriger un gène fautif sur un embryon » et seulement 5 p. 100 pour « faire une correction cosmétique sur un fœtus ». [...]
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Écrit par
- Jean-Hugues DÉCHAUX : docteur en sociologie, professeur des Universités à l'université Lumière-Lyon-II, chercheur au Centre Max Weber (CNRS Lyon)
Classification
Médias