RICHER EDMOND (1559-1631)
La carrière du théologien Edmond Richer, né à Chesney en Champagne, se développa dans le cadre universitaire parisien, d'abord au collège du cardinal Lemoine, dont il devint recteur en 1595, puis à la Sorbonne, dont il fut nommé syndic en 1602. Après avoir été ligueur, il devint partisan résolu d'Henri IV et consacra le meilleur de son énergie et de son érudition à défendre non la personne du roi mais les droits de la monarchie et du parlement dans la vie et le gouvernement de l'Église. Sur le plan universitaire, ces conceptions gallicanes le firent s'opposer vigoureusement aux empiétements des ordres religieux, et tout spécialement des Jésuites.
C'est d'abord dans une publication nouvelle des œuvres du chancelier Gerson (1606) que Richer manifeste ses opinions, faisant sienne la thèse de la supériorité du concile sur le pape. Il expose systématiquement sa doctrine dans son De ecclesiastica et politica potestate (Paris, 1611) : l'Église de Jésus-Christ tient de son fondateur, qui demeure son seul véritable chef, infaillibilité dans la transmission de la foi et pouvoir pour conduire les fidèles à leur destinée surnaturelle. L'infaillibilité, qui n'est pas prérogative d'un seul mais de toute l'Église, s'exerce en fait par le concile général, auquel le pape lui-même est soumis. Quant au pouvoir des clés, il appartient à tout l'ordre sacerdotal ; les evêques ont de ce fait juridiction immédiate sur leurs fidèles et gouvernent leurs églises indépendamment du pontife romain. Autorité purement spirituelle, l'Église comme telle ne possède aucun droit temporel, sinon ceux que le pouvoir civil veut bien lui concéder. Aussi les souverains temporels ont-ils une responsabilité à l'égard de l'Église ; c'est à eux qu'il revient de convoquer les conciles, de contrôler l'élaboration et l'application des lois, etc.
Les thèses de Richer, qui s'inscrivent dans une tradition de pensée déjà ancienne et toujours vigoureuse, trouvent un accueil favorable auprès d'un certain nombre de parlementaires et de docteurs de Sorbonne, mais elles suscitent immédiatement une violente opposition. Plusieurs réfutations paraissent en 1612 ; la plus pertinente émane d'un docteur de Sorbonne, André Duval — connu par ailleurs comme supérieur des carmélites et biographe de Mme Acarie —, qui devient le chef de file des théologiens ultramontains. La division de la Sorbonne entre richéristes et duvalistes ne se situe pas seulement sur le plan doctrinal ; elle se traduit aussi en luttes d'influence. En dépit de l'appui apporté à Richer par le parlement, ses adversaires, forts du soutien du cardinal Du Perron et du nonce Ubaldini, obtiennent la censure du livre de Richer par la Sorbonne elle-même (3 févr. 1612), puis par des assemblées ecclésiastiques (province de Sens, 19 mars 1612 ; province d'Aix, 24 mai). Refusant de démissionner de sa charge de syndic, Richer est déposé en septembre 1612 ; il en appelle au parlement contre la censure de Sens, mais sans succès. Sa polémique littéraire contre Duval se poursuit quelque temps encore jusqu'à la rétractation de son livre, qu'il signe le 30 juin 1622. Rétractation si peu nette que Richelieu en exige une autre, le 7 décembre 1629. La persistance de Richer dans ses opinions apparaît dans les ouvrages qu'il continua de composer sans se risquer à les publier ; plusieurs furent imprimés après sa mort par les soins de ses partisans, d'autres sont demeurés inédits ; parmi ces derniers se trouve une volumineuse histoire de l'université de Paris.
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Écrit par
- André DUVAL : dominicain, archiviste de la province de France
Classification
Autres références
-
GALLICANISME
- Écrit par Jean DELUMEAU
- 3 703 mots
...organisation et privilège dont la noblesse ne disposa jamais. Une des manifestations les plus originales du gallicanisme ecclésiastique fut le richérisme. Edmond Richer (1559-1631) était un ligueur repenti. Il édita les œuvres de Gerson, devint syndic de la faculté de théologie de Paris, mais dut abandonner...