ROSTAND EDMOND (1868-1918)
Parmi les auteurs dramatiques qui lui furent contemporains – Sardou, Courteline, Feydeau, Tristan Bernard, Bernstein, Porto-Riche, Maeterlinck –, le nom d'Edmond Rostand brille d'un éclat singulier en raison d'une seule pièce de théâtre qui lui a assuré la gloire : Cyrano de Bergerac. Ce chef-d'œuvre a éclipsé ses autres publications : poésies, autres pièces de théâtre, écrits en prose, composés dans une langue élégante et alerte, pleine d'inventions métriques, lexicales ou stylistiques.
La gloire à vue de nez
Edmond Rostand naît à Marseille dans une famille aisée et cultivée, le 1er avril 1868. Il achève ses études secondaires à Paris, au collège Stanislas. En 1887, il obtient un prix littéraire pour un essai intitulé Deux Romanciers de Provence : Honoré d'Urfé et Émile Zola. Renonçant au barreau, il décide de se consacrer à la littérature. Après Le Gant rouge (1888), un vaudeville, il publie Les Musardises (1890), recueil poétique non dénué de charme : « L'idée est délicate et la forme la blesse / Des poèmes trop faits. » Cette même année, il épouse la poétesse Rosemonde Gérard (1866-1953) qu'il a connue à Luchon, lieu de vacances de leur jeunesse.
Après Les Deux Pierrots (1891), lever de rideau, qui resta sans écho, Les Romanesques, comédie en vers, antinaturaliste, sur des amours contrariées par des rivalités familiales, représentée à la Comédie-Française le 24 mai 1894, marque le début du succès. La même année voit la naissance de Jean (1894-1977), son second fils, futur biologiste, après Maurice (1891-1968), qui sera écrivain.
Sarah Bernhardt (1844-1923) va inspirer à Rostand deux pièces en vers, dont elle interprète le rôle-titre : La Princesse lointaine (1895) évoque l'amour éperdu du troubadour Joffroy Rudel pour Mélissinde, princesse orientale ; représentée le 5 avril 1895, la pièce fut rapidement retirée de la scène. Au contraire, La Samaritaine (1897) qui évoque la conversion d'une pécheresse transfigurée par sa rencontre avec le Christ telle que la rapporte l'Évangile de Jean, plut au public qui appréciait son mélange, au goût du jour, de mysticisme et de sensualité.
Mais c'est la représentation de Cyrano de Bergerac, le 28 décembre 1897, au théâtre de la Porte-Saint-Martin, qui provoqua l'enthousiasme des spectateurs. Le célèbre acteur Coquelin (1841-1909), qui tenait le rôle du héros éponyme, contribua au triomphe de la pièce. Tout Paris vint applaudir ce spectacle qui se propagea rapidement sur les scènes internationales.
Sarah Bernhardt tint encore le rôle principal dans L'Aiglon, créé à Paris le 15 mars 1900. Si la pièce est un nouveau triomphe, la critique se montre plus réservée. Autour de la figure ardente et maladive du duc de Reichstadt (1811-1832), ce drame historique en vers évoque une conspiration à laquelle le jeune prince se laisse entraîner par Flambeau, ancien grognard de la Grande Armée de Napoléon. Déjouée par Metternich, la machination mènera le duc à la mort, qu'il affronte avec courage. Plus que le héros accablé par son destin, ce sont les scènes de la vie quotidienne au château de Schönbrunn, les figures féminines, les personnages de Flambeau (rôle tenu par Lucien Guitry) et de Metternich, et surtout la séduction du mythe napoléonien qui font l'intérêt de cette œuvre. Auteur à succès, Rostand est élu, en 1901, à l'Académie française. Il prononce son discours de réception le 4 juin 1904.
À Cambo-les-Bains, dans le Pays basque, où il était venu se soigner, Rostand va faire construire une superbe demeure dans le style régional, la villa Arnaga, « poème de pierre et de verdure », aujourd'hui musée Edmond-Rostand. Il y écrira Chantecler, pièce en quatre actes, en vers, représentée le 7 février 1910, au théâtre de la Porte-Saint-Martin. Les personnages sont[...]
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Écrit par
- Bernard SESÉ : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española
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