WALLER EDMUND (1606-1687)
Poète anglais qui a longtemps été tenu, par un curieux verdict, pour un des plus parfaits. Dryden faisant grand cas de Waller et, à la fin du xviiie siècle, on le proclamait encore « le plus célèbre poète lyrique que l'Angleterre ait produit ». Réputation bien surfaite : aller jusqu'à dire qu'il avait « révolutionné la poésie anglaise » était certes exagéré. Il serait plus juste de dire qu'il a été, de tous les poètes, le plus riche et le plus parfait courtisan.
Héritier du domaine de Beaconsfield dans le Buckinghamshire, Waller, après la filière aristocratique d'Eton et de King's College, Cambridge, entra au Parlement très jeune et épousa une riche héritière que convoitaient d'autres soupirants. Ce mariage fit quelque peu scandale. Il y eut même un procès. Avec ses huit mille livres de revenu, somme énorme pour l'époque, Waller était certainement le plus riche poète anglais ! Veuf en 1634, ce fut l'époque où il s'éprit de lady Dorothy Sidney, qu'il appela Sacharissa (en souvenir de Stella) et à qui il adressa des vers célébrant sa beauté et sa froideur, à l'instar des grands sonnettistes de la Renaissance. Mais ces vers de circonstance — sur un portrait de lady Dorothy Sidney par Van Dyck, sur une promenade (At Penhurst) où il imagine que la nature entière est émue par la beauté de la dame, et sur d'autres sujets insignifiants — sont loin de nous convaincre de l'ardeur, peut-être aussi de la sincérité, des sentiments du poète.
Mais Sacharissa, comme bien d'autres objets d'admiration, ne fut qu'un prétexte, ou un épisode, pour écrire des vers bien soignés, en distiques réguliers. Waller se remaria avec une autre femme que Sacharissa et s'adonna à la vie politique. Au Parlement, il fut un brillant orateur, très écouté, encore que versatile. Dans les temps troublés des dernières années de Charles Ier, il passa de l'opposition au parti du roi et fut, en 1643, le principal instigateur d'un complot royaliste qui échoua. Arrêté, il eut des moments difficiles et, sans doute, il avoua et compromit ses complices. Il fut condamné à une lourde amende et à l'exil. D'autres furent pendus.
Il passa ses sept années d'exil en France, en Normandie et à Paris, où il rencontra le philosophe Hobbes, Evelyn, auteur d'un Journal célèbre, et sans doute des écrivains français (La Fontaine et Corneille lui témoignent quelque estime). Cromwell lui permit de revenir en Angleterre en 1652 ; Waller, pour le remercier, lui adressa un panégyrique célèbre (Panegyric to my Lord Protector) ; après quoi, quand vint la Restauration (1660), il écrivit une épître au roi pour saluer son retour. Charles II lui ayant fait remarquer que les vers pour Cromwell étaient meilleurs, il eut cette réponse fameuse : « Sire, nous poètes ne réussissons jamais aussi bien en traitant de la vérité que du mensonge. » Waller retrouva son siège au Parlement, où il discourut avec la même aisance, toujours éloquent et spirituel, et ne cessa de distiller, à petits flacons, des poèmes de circonstance, dont quelques-uns, il faut le dire, sont des chefs-d'œuvre mineurs. Ainsi les trois stances : To Amoret, ou encore On a Girdle (Sur une ceinture), ou enfin Go, Lovely Rose ! (Va adorable rose !). Ce sont là de charmants colifichets, très artificiels, mais on peut leur préférer les bijoux insolents de Robert Herrick qui met plus d'esprit et de grâce à badiner avec les dentelles féminines. Waller, par son application à raffiner, à être clair, à se poser en classique, a élevé l'insignifiance à la dignité poétique. Mais comme nous sommes loin des impuretés géniales de Donne !
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Écrit par
- Henri FLUCHÈRE : doyen honoraire de la faculté des lettres et sciences humaines d'Aix-en-Provence
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MÉTAPHYSIQUES POÈTES
- Écrit par Robert ELLRODT
- 3 064 mots
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