WILSON EDMUND (1895-1972)
Pendant un demi-siècle, Wilson a dominé intellectuellement la scène littéraire aux États-Unis, interprétant pour ses contemporains les multiples aspects des grands courants artistiques, sociaux et politiques qui ont modifié le visage de l'Amérique depuis la fin de la Première Guerre mondiale. Il s'est essayé avec succès à divers genres, la poésie, le théâtre, le roman, mais c'est dans la critique qu'il a le mieux réussi à donner la pleine mesure de son intense besoin de comprendre, d'analyser et de communiquer. Contemporain exact des écrivains de la « génération perdue », Hemingway, Fitzgerald, Dos Passos, il a été, selon l'expression de l'un d'eux, leur « conscience intellectuelle », exprimant dans ses essais les espoirs, les contradictions et les drames qu'ils illustraient dans leurs œuvres romanesques.
La vocation d'un critique
Ses origines et son éducation semblent avoir fortement marqué et son attitude envers la réalité américaine et l'essence même de sa méthode. Né à Redbank, bourgade du New Jersey, il a gardé toute sa vie le goût et la nostalgie d'un espace rural où la conscience individuelle peut se préserver de la confusion des valeurs qui règne dans les grandes cités. Sa famille, de moyenne bourgeoisie cultivée, qui comptait parmi ses membres des hommes de loi et d'Église, et en particulier son père, qui devint le procureur général de l'État, contribua à développer en lui un certain idéalisme sourcilleux : intégrité, sens d'une mission à accomplir, méfiance envers toute forme d'autorité, et aussi confiance inébranlable en un jugement fondé sur le libre examen, l'analyse minutieuse de tous les aspects d'une question ; Edmund Wilson conduira ses enquêtes littéraires avec le scrupule et l'assurance que mettait son père à préparer un dossier. Ce qui sort de sa plume est lumineux, définitif, péremptoire. Point de repentirs ni de zones d'ombres : l'ampleur exhaustive des recherches, la qualité de l'information, la sérénité du jugement sont gages de l'excellence des conclusions. On discerne tout de suite les avantages et les inconvénients d'une telle attitude, on voit combien l'humilité envers le matériau peut nourrir un orgueil qui ne souffre ni compromissions ni contradictions.
À l'université de Princeton où il s'inscrivit en 1912, un professeur de littérature, Christian Gauss, le confirma dans son goût de la lecture, de l'érudition et de l'exégèse. Il fut le guide, l'éveilleur d'esprit qui, par ses cours sur Dante et Flaubert en particulier, décida de sa vocation de critique. La revue de l'université, The Nassau Literary Magazine, fut le banc d'essai où Wilson et ses amis, Scott Fitzgerald et John Bishop, firent brillamment leur apprentissage des lettres. En 1916, au sortir de Princeton, il s'engage et est affecté à un hôpital militaire dans les Vosges. Comme de nombreux écrivains de sa génération, il découvre à la fois l'Europe et la guerre avec son cortège de misère et d'horreur. Ce sera d'ailleurs là sa seule participation à l'action directe. Démobilisé, il ne s'associe pas à l'exode vers Paris qui caractérise la « génération perdue ». C'est sur place qu'il entend combattre l'obscurantisme d'une Amérique vouée au culte du veau d'or. Il se fait journaliste et écrit des articles dans une revue anticonformiste, Vanity Fair, dont il assumera la codirection avec Bishop jusqu'en 1926. Il rejoint ensuite les rangs de The New Republic, plus orientée politiquement, dans laquelle il écrira jusqu'en 1931. Plus tard, il collaborera au New Yorker dont il sera un temps le directeur littéraire. Ces revues lui assurent une tribune du haut de laquelle il commentera avec autorité les aspects[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- André LE VOT : professeur honoraire à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
Classification
Autres références
-
FITZGERALD FRANCIS SCOTT (1896-1940)
- Écrit par André LE VOT
- 2 714 mots
- 2 médias
...poétique et du jugement moral, du goût pour l'introspection et la satire, de la veine comique voisinant avec un lyrisme grave et contenu, le critique Edmund Wilson, qui fut l'ami et le mentor de Fitzgerald, proposait, en bon disciple de Taine, d'y lire la convergence de trois facteurs : l'ascendance...