SANGUINETI EDOARDO (1930-2010)
Figure de proue du mouvement littéraire connu sous le nom de néo-avant-garde, Edoardo Sanguineti, professeur de littérature italienne à l'université de Gênes (sa ville natale), peut être considéré comme un cas à part dans la culture et la littérature italiennes contemporaines en raison de la diversité de son activité et de ses intérêts. Romancier, poète, dramaturge, auteur d'adaptations théâtrales, notamment du Roland furieux pour Luca Ronconi, critique, journaliste, théoricien, Sanguineti serait à définir plutôt comme un intellectuel abordant tour à tour toutes les formes d'écriture que comme un écrivain ou un simple érudit.
« Autobiographie » et langage
De 1956 (Laborintus comprenant deux « cycles » poétiques) à 1978 (Postkarten), Sanguineti a publié, outre romans et poésies, des ouvrages critiques sur Dante, Gozzano et Moravia, des articles sur les sujets les plus divers et des textes théoriques sur l'art et la littérature. On ne saurait pas plus, à l'intérieur de cette très vaste production, dissocier le critique du poète que le théoricien de l'homme de théâtre. On a ici affaire, en effet, à un intellectuel – protagoniste du mouvement d’avant-garde Groupe 63 – dont l'écriture est l'expression d'un engagement politique fondamental et ouvertement annoncé : « Je suis un communiste viscéral », écrit-il dans les Reisebilder, poésies dont le titre est emprunté à l'écrivain allemand Heine.
Mais cette profession de foi pourrait aussi bien figurer dans un article de journal, un manifeste, ou être prononcée par un personnage de roman, dépositaire d'une parcelle de la parole de l'auteur ; ainsi apparaît une première constante de l'œuvre de Sanguineti, qui déclare lui-même que sa biographie passe entièrement dans son œuvre : l'autobiographisme. Autobiographisme non événementiel, d'ailleurs, mais bien plutôt « existentiel », parfois onirique. En raison de son statut d'intellectuel, l'omniprésent « je » sanguinetien est imprégné d'une culture classique et moderne, italienne et européenne, qui transparaît constamment dans les œuvres de l'auteur et leur confère une deuxième caractéristique fondamentale : l'abondance de références culturelles, explicites ou implicites, et un langage à la fois personnel et empreint d'une culture faisant appel aux recherches les plus récentes dans le domaine des sciences humaines. On a ici un langage qui se veut, en même temps que véhicule d'informations, outil de recherche sur lui-même. Sanguineti dédaigne parfois les structures lexicales et syntaxiques, et sait englober le geste (voir son intérêt pour le théâtre, ou la « gestuelle » du roman Capriccio italiano) ou d'autres formes de langage, la musique par exemple, comme en témoigne sa collaboration avec Luciano Berio pour Laborintus II (1965).
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Écrit par
- Brigitte OLIVIERI : professeur agrégé d'italien
Classification
Autres références
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ITALIE - Langue et littérature
- Écrit par Dominique FERNANDEZ , Angélique LEVI , Davide LUGLIO et Jean-Paul MANGANARO
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...polyphonique La ragazza Carla (1960), republié avec La ballata di Rudi (1995) dans un seul volume intitulé Romanzi in versien 1997. Mais c’est sans doute Sanguineti que l’on peut tenir pour le représentant le plus célèbre de cette saison expérimentale. Chez lui, le refus du style élevé de la tradition s’accompagne...