Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

BALLADUR ÉDOUARD (1929- )

Article modifié le

Édouard Balladur - crédits : Jean-Michel Turpin/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Édouard Balladur

Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

Homme politique français, Premier ministre de 1993 à 1995.

Édouard Balladur est né à Smyrne, aujourd’hui Izmir, le 2 mai 1929. Voici trois siècles que sa famille de riches négociants s'est installée auprès de la Sublime Porte. Mais il ne gardera que de lointains souvenirs d'enfance de la Turquie. Il a neuf ans lorsque son père s'installe à Marseille où il poursuivra sa scolarité, au lycée Thiers, puis il « monte » à Paris, s'installe chez les frères maristes – le fameux « 104 », rue de Vaugirard, fréquenté quinze ans plus tôt par François Mitterrand –, « fait » Sciences-Po puis l'ENA. Il accomplit son service militaire en Algérie, chez les spahis, deux ans avant le début de la guerre.

Lorsqu'il sort de l'ENA, en 1957, c'est pour épouser Marie-Josèphe Delatour (dont il aura quatre fils) et pour entrer au Conseil d'État. Mais le contentieux, puis la surveillance des travaux publics ne l'occuperont pas longtemps. Le voici appelé, en 1962, auprès du directeur général de l'ORTF, Pierre Bordaz. Un an plus tard, Michel Jobert le fait entrer au cabinet du Premier ministre, Georges Pompidou.

Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

Édouard Balladur ne quittera plus le futur président de la République. Il est d'abord son chargé de mission, puis son conseiller pour les Affaires sociales et religieuses. Il est à ce titre l'un des artisans des fameuses ordonnances de 1967 sur la participation et sur la sécurité sociale.

C'est à cette époque qu'il fait la connaissance de Jacques Chirac qui passera, lui, rapidement de l'ombre à la lumière, du cabinet de Matignon au gouvernement, où son premier poste est celui de secrétaire d'État... aux Affaires sociales. Dans la tempête de Mai-68, les deux hommes feront partie de la garde rapprochée de Georges Pompidou. Ils mettront au point le protocole de Grenelle et feront corps autour du Premier ministre, auquel ils voueront jusqu'à la fin une allégeance sans faille.

Tout naturellement, Édouard Balladur suit Georges Pompidou dans sa brève traversée du désert (1968-1969) puis à la présidence de la République, comme secrétaire général adjoint, puis, lorsque Michel Jobert entre à son tour au gouvernement, comme secrétaire général de l'Élysée (1973). Poste prestigieux, mais travail délicat lorsqu'il faut taire au pays et au Tout-Paris bruissant de rumeurs la maladie du président.

Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

À la mort de Georges Pompidou (1974), ni le nouveau président, Valéry Giscard d'Estaing, ni son Premier ministre, Jacques Chirac, ne lui ont proposé le poste qu'il espérait, la présidence d'une grande société nationale, par exemple. Il refuse donc (par deux fois) l'ambassade auprès du Vatican et s'en va dans le privé où son ami Ambroise Roux, patron de la Compagnie générale d'électricité, lui offre la direction d'une filiale, la Générale des services informatiques, puis celle de la Compagnie générale d'accumulateurs. Édouard Balladur dirige aussi (de 1968 à 1981) la Société française pour la construction et l'exploitation du tunnel sous le Mont-Blanc.

Mais le monde de l'informatique n'est pas vraiment celui d'Édouard Balladur. Aussi n'hésite-t-il guère lorsque, en 1980, Jacques Chirac, qui vient de se séparer de Pierre Juillet et de Marie-France Garaud, l'appelle à ses côtés. On voit alors le nouveau conseiller, chaque dimanche après-midi, à l'Hôtel de Ville de Paris. Même si ses avis ne sont pas toujours suivis – il déconseille au président du RPR de se présenter à l'élection présidentielle de 1981 –, Édouard Balladur prend une importance croissante auprès de Jacques Chirac. Devenu, en 1986, son ministre de l'Économie et des Finances, il est le seul à avoir rang de ministre d'État. Le chef du gouvernement le consulte sur tout, lui délègue entièrement les arbitrages budgétaires, le fait participer à la moindre réunion. La même année, il se fait élire – à la proportionnelle – député (RPR) de Paris.

Édouard Balladur et Alain Juppé - crédits : Pool Bassignac/ Stevens/ Turpin/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Édouard Balladur et Alain Juppé

Lorsque Jacques Chirac échoue à l'élection présidentielle de 1988, la tentation est donc forte, dans certains rangs du RPR, de faire porter à Édouard Balladur le chapeau de la défaite. L'intéressé en conçoit quelque amertume. Il continue de conseiller Chirac, mais crée son propre club, l'Association pour le libéralisme populaire, et s'installe à son compte, boulevard Saint-Germain. C'est là que, cinq ans durant, il se prépare méthodiquement à la fonction de Premier ministre, qu’il occupe de 1993 à 1995 à la tête du deuxième gouvernement de cohabitation de la présidence de François Mitterrand.

Porté par les sondages qui – sauf en novembre 1994, contre l'hypothétique candidat Jacques Delors – le donnent longtemps grand gagnant à l'élection présidentielle d'avril-mai 1995, fort du ralliement de l'essentiel de l'UDF – ce qui ruine définitivement les espoirs personnels de Raymond Barre et de Valéry Giscard d'Estaing – mais aussi d'une partie du RPR que s'emploient à manœuvrer Charles Pasqua et Nicolas Sarkozy, Édouard Balladur révèle enfin ses ambitions élyséennes en janvier 1995. Très vite, cependant, sa campagne s'enlise ; le Premier ministre candidat peine à dégager sa propre image de celle d'un gouvernement dont l'allure apparaît moins certaine (l'« affaire » Schuller-Maréchal, qui fragilise Charles Pasqua ; une nouvelle reculade devant des manifestations d'étudiants opposés à une réforme des IUT, après l'erreur de manœuvre, un an plus tôt, concernant la création d'un contrat d'insertion professionnelle assimilé à un « SMIC jeunes »). À l'issue du premier tour de l'élection, Édouard Balladur n'arrive qu'en troisième position, avec 18,54 p. 100 des suffrages, derrière Jacques Chirac (20,47 p. 100), en faveur duquel il se désiste immédiatement.

Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

Réélu dès septembre 1995 député de Paris, il échoue dans sa tentative de conquérir la présidence du conseil régional d'Île-de-France en 1998. Le 6 avril 2000, il se porte candidat à la mairie de Paris, mais se retire le mois suivant, considérant que la commission d'investiture du RPR est acquise à Philippe Séguin. Après la réélection de Jacques Chirac le 5 mai 2002 et la victoire de la droite aux législatives de juin, Édouard Balladur se porte candidat à la présidence de l'Assemblée nationale face au représentant officiel du groupe UMP, le chiraquien Jean-Louis Debré. Il se retire à l'issue du premier tour de scrutin, après avoir obtenu 163 voix. Il obtient la présidence de la commission des Affaires étrangères. Le 18 juillet 2007, le président de la République Nicolas Sarkozy, l'a nommé président du comité de réflexion sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions, dont les conclusions ont inspiré la réforme constitutionnelle du 21 juillet 2008.

En octobre 2008, il est nommé président du comité pour la réforme des collectivités territoriales et il présente en mars 2009 le rapport de travail du groupe, dont plusieurs propositions provoquent des polémiques. En 2010, Édouard Balladur décline l’offre du président Sarkozy de devenir membre du Conseil constitutionnel et se retire de la vie publique.

— Bruno DIVE

Édouard Balladur est l’auteur de plusieurs ouvrages. Son premier livre, L’Arbre de mai (1979), est consacré à ses souvenirs de Mai-1968 au cabinet de Georges Pompidou. Il s’intéresse aux grands mythes français (De Gaulle, Jeanne d’Arc…), à Machiavel et à Gracián… Il s’est attaché à faire le bilan de son action, notamment dans Le Pouvoir ne se partage pas. Conversations avec François Mitterrand (2009).

Mais son image de sage retiré de la vie publique est écornée à partir de 2010-2011 par la remise en cause des comptes de sa campagne électorale de 1995, dont le financement aurait bénéficié de rétrocommissions liées à des ventes d’armes au Pakistan et à l’Arabie Saoudite. Il est relaxé dans cette affaire par la Cour de justice de la République en mars 2021.

—  ENCYCLOPÆDIA UNIVERSALIS

Accédez à l'intégralité de nos articles

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : journaliste éditorialiste à Sud Ouest
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Médias

Édouard Balladur - crédits : Jean-Michel Turpin/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Édouard Balladur

Édouard Balladur et Alain Juppé - crédits : Pool Bassignac/ Stevens/ Turpin/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Édouard Balladur et Alain Juppé

Autres références

  • CHIRAC JACQUES (1932-2019)

    • Écrit par et
    • 2 005 mots
    • 5 médias
    En 1993, il ne renouvelle pas l'expérience de 1986 et laisse à Édouard Balladur la tâche de gérer à Matignon la seconde cohabitation. Lui-même se réserve pour l'élection présidentielle de 1995. Ce choix tactique manquera de lui être fatal, car la rivalité sera bientôt vive entre les deux « amis de trente...
  • CINQUIÈME RÉPUBLIQUE - Les années Mitterrand (1981-1995)

    • Écrit par
    • 7 342 mots
    • 7 médias
    ...Jacques Chirac, leader du principal parti de la nouvelle majorité parlementaire. Ce dernier forme un gouvernement dans lequel son ami et proche conseiller Édouard Balladur occupe une place éminente : il est ministre d'État, ministre de l'Économie, des Finances et de la Privatisation. François Mitterrand...
  • CINQUIÈME RÉPUBLIQUE - Les années Chirac (1995-2007)

    • Écrit par
    • 9 350 mots
    • 6 médias
    ...la cohabitation. Il estime que cela nuirait à sa candidature présidentielle, comme ce fut le cas en 1988. Il préfère donc laisser cette responsabilité à Édouard Balladur, ministre d'État de 1986 à 1988 dans son gouvernement et sorte de vice-Premier ministre, proche conseiller au R.P.R. et « ami...
  • FRANCE - L'année politique 2013

    • Écrit par
    • 4 346 mots
    • 3 médias
    L’opposition continue, de son côté, à pâtir de différentes affaires judiciaires. L’affaire Karachi connaît de nouveaux rebondissements :l’ancien Premier ministre Édouard Balladur, toujours suspecté d’avoir bénéficié de rétrocommissions sur des contrats d’armement au Pakistan et...
  • Afficher les 13 références

Voir aussi