BALDUS ÉDOUARD-DENIS (1813-1882)
Le photographe Édouard-Denis Baldus, l'un des grands maîtres des années 1850, est considéré comme « le plus américain des photographes du xixe siècle » ou comme « le premier photographe moderniste ».
Ses innovations plastiques marquèrent l'émergence de la sensibilité moderne. Cet artiste sut se dégager en effet des carcans et des schémas picturaux. Ses sujets de prédilection étaient d'ailleurs les produits d'une société industrielle et technologique en plein essor : il réalisa en 1855 une série de vues de la ligne de chemin de fer Paris-Boulogne à la demande du baron James de Rothschild. Un second album fut effectué en 1859, à l'occasion du prolongement jusqu'à Toulon de la ligne Marseille-Lyon. Viaducs, voies ferrées, gares lui fournirent les « motifs » d'une vision photographique épique, et pourtant fonctionnelle, presque abstraite.
Comme la plupart des photographes de sa génération, Baldus était peintre. Il aurait quitté l'Allemagne, son pays d'origine, pour parfaire son éducation artistique et aurait même séjourné aux États-Unis. La prodigieuse invention du calotype mua beaucoup de peintres méconnus en photographes. Pour tous, ce fut un moyen de subsister, pour quelques-uns le gagne-pain se transcenda en révélation et en volonté de participer à ce qui était pressenti comme une révolution visuelle. Baldus appartient à ces deux catégories : grand artiste, il fut aussi commerçant avisé et employa jusqu'à quinze opérateurs. Établi définitivement en France, il fit carrière dans la réalisation de reportages et privilégia la photographie d'architecture. Il est, en 1851, l'un des cinq photographes, avec Bayard, Le Secq, Le Gray et Mestral, choisis par la commission des Monuments historiques pour faire partie de la Mission héliographique. Créée en vue de constituer l'inventaire des richesses monumentales de chaque région de France, la Mission assigne à Baldus les provinces de la Bourgogne, du Dauphiné et de la Provence. Baldus reçoit également du ministère de l'Intérieur de nombreuses commandes : monuments parisiens (1852 et 1860), inondations du Rhône (1856), construction du nouveau Louvre par l'architecte Lefuel (1857-1858). Considérant l'exercice de son métier comme un art, incapable de s'adapter aux exigences nouvelles d'une production plus industrialisée, Baldus disparaît de la scène photographique vers 1865. Il ne crée plus de nouvelles images et se contente d'exploiter son fonds, en le publiant sous forme d'albums de gravures héliographiques (l'auteur avait mis au point dès 1854-1855 son propre procédé photomécanique).
Compositions classiques ou audacieuses, les photographies de Baldus frappent par leur ampleur, leur monumentalité, leur efficacité descriptive, en particulier les images où sa vision participe à l'esthétique contemporaine appliquée à l'industrie.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Elvire PEREGO : historienne de la photographie, département de la recherche bibliographique, Bibliothèque nationale de France
Classification
Média
Autres références
-
PHOTOGRAPHIE (art) - Photographie et peinture
- Écrit par Jean-Luc DAVAL
- 5 282 mots
- 13 médias
...1855, ou Mathew B. Brady à la guerre de Sécession) qui laisse mieux percevoir les limites de la photographie ; elle est alors trop lente et trop lourde. Baldus, qui est chargé d'illustrer l'itinéraire du chemin de fer entre Paris et Boulogne, est encore très loin dans ses photographies de l'instantanéité...