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GLISSANT ÉDOUARD (1928-2011)

Édouard Glissant - crédits : Ulf Andersen/ Getty Images

Édouard Glissant

Malgré le prix Renaudot attribué à La Lézarde en 1958, l'œuvre d'Édouard Glissant a longtemps été plus célèbre que vraiment lue. Attaquée sans ménagements par les adversaires de ses prises de position politiques, refusée en Martinique même comme trop élitiste, voire illisible, elle s'est peu à peu imposée aux lecteurs, dans les décennies 1960-1980, comme l'une des œuvres majeures écrites en langue française. Ce qu'Édouard Glissant apporte, c'est une analyse implacable de la situation antillaise et des maladies (réelles ou métaphoriques) qu'elle sécrète. Mais c'est aussi une intervention active dans le développement d'une culture nationale par l'élaboration et l'affirmation d'une parole littéraire antillaise.

Le monde prolixe

Né en 1928 sur un morne reculé de Sainte-Marie (Martinique), Édouard Glissant a suivi l'itinéraire décrit par Joseph Zobel dans La Rue Cases-Nègres, qui fut celui de beaucoup d'enfants antillais entre les deux guerres mondiales : de la plantation (connue à travers la personne du père, « économe-géreur ») à l'école primaire (au Lamentin, en l'occurrence), puis au lycée Schœlcher de Fort-de-France (grâce à la réussite au concours des bourses). Là, au contact de professeurs comme Aimé Césaire, il construit sa culture littéraire et philosophique, et esquisse ses premières interrogations sur la spécificité martiniquaise. Il poursuit à Paris des études supérieures de philosophie et publie ses premiers recueils poétiques (Un champ d'îles, 1953 ; La Terre inquiète, 1954) et un essai (Soleil de la conscience, 1955). Il devient vite une figure marquante de la vie intellectuelle, participant au renouveau culturel négro-africain – avec la revue Présence africaine et les congrès d'écrivains et artistes noirs de Paris en 1956 et de Rome en 1959 – et s'inscrivant dans le mouvement de la modernité littéraire (il collabore régulièrement à la revue Les Lettres nouvelles). Les Indes (1956), Le Sel noir (1960) et Le Sang rivé (1961) continuent sa production poétique tandis que La Lézarde (1958) participe au travail de renouvellement des formes romanesques. La fondation, en 1959, du Front antillo-guyanais, qui réclame la libération du peuple antillais, entraîne l'expulsion d'Édouard Glissant de Guadeloupe en 1961 et son assignation à résidence en France. Une pièce de théâtre (Monsieur Toussaint, 1961) et un roman (Le Quatrième Siècle, 1964) témoignent de l'approfondissement de la réflexion sur la relation au passé antillais. En 1965, Glissant peut s'installer à nouveau en Martinique : il y fonde un établissement d'enseignement, l'Institut martiniquais d'études, et une revue, Acoma, qui paraît de 1971 à 1973. Il s'agit dans les deux cas de rendre justice à la culture antillaise dans son identité affirmée comme dans sa relation avec le contexte caribéen. L'œuvre littéraire prend sa pleine ampleur avec la continuation du cycle romanesque (Malemort, 1975 ; La Case du commandeur, 1981 ; Mahagony, 1987), que prolonge la thématique de l'ouverture au monde (Tout-Monde, 1993 ; Sartorius, 1999 ; Ormerod, 2003). Elle se caractérise par un retour à la forme poétique (Boises, 1979 ; Pays rêvé, pays réel, 1985 ; Fastes, 1991) et surtout par la publication de deux essais (L'Intention poétique, 1969, Le Discours antillais, 1981, véritable somme pluridisciplinaire de la réflexion sur les Antilles).

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Édouard Glissant - crédits : Ulf Andersen/ Getty Images

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